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ANNALES DE L’EMPIRE.

guère plus que Constantinople, croit en vain pouvoir obtenir du secours des chrétiens. Il s’humilie jusqu’à venir dans Rome soumettre l’Église grecque au pape.

Ce fut dans le concile de Ferrare, opposé par Eugène IV au concile de Bâle, que Jean Paléologue et son patriarche furent d’abord reçus. L’empereur grec et son clergé, dans leur soumission réelle, gardèrent en apparence la majesté de leur empire et la dignité de leur Église. Aucun de ces fugitifs ne baisa les pieds du pape ; ils avaient en horreur cette cérémonie, reçue par les empereurs d’Occident, qui se disaient souverains du pape. Cependant on avait, dans les premiers siècles, baisé les pieds des évêques grecs.

Paléologue et ses prélats suivent le pape de Ferrare à Florence. Il y est solennellement décidé et convenu par les représentants des Églises latine et grecque que « le Saint-Esprit procède du Père et du Fils par la production d’inspiration ; que le Père communique tout au Fils, excepté la paternité ; et que le Fils a de toute éternité la vertu productive, par laquelle le Saint-Esprit procède du Fils comme du Père ».

Le grand point intéressant et glorieux pour Rome était l’aveu de sa primatie. Le pape fut solennellement reconnu, le 6 juillet, pour le chef de l’Église universelle.

Cette union des Grecs et des Latins fut, à la vérité, désavouée bientôt après par toute l’Église grecque. La victoire du pape Eugène fut aussi vaine que les subtilités métaphysiques sur lesquelles on disputait.

Dans le même temps qu’il rend ce service aux Latins, et qu’il finit, autant qu’il est en lui, le schisme de l’Orient et de l’Occident, le concile de Bâle le dépose du pontificat, le déclare rebelle, simoniaque, schismatique, hérétique, et parjure.

Il faut avouer que les Pères de Bâle agirent quelquefois comme des factieux imprudents, et qu’Eugène se conduisit comme un homme habile. Mais c’était un grand exemple des inconséquences qui gouvernent le monde, que la religion chrétienne étant née et détruite en Judée, le chef de cette religion, souverain à Rome, fût jugé et condamné en Suisse.

On ne doit pas oublier que Paléologue, de retour à Constantinople, fut si odieux à son Église, pour l’avoir soumise à Rome, que son propre fils lui refusa la sépulture.

Cependant les Turcs avancent jusqu’à Semendria en Hongrie. Au milieu de ces alarmes, Albert d’Autriche, dont on attendait beaucoup, meurt le 27 octobre, laissant l’empire affaibli, comme il l’avait trouvé, et l’Europe malheureuse.