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CHARLES-QUINT.

coup en faveur des luthériens. Ils gagnent un point bien important, en obtenant dans cette diète que la chambre impériale de Spire sera composée moitié de luthériens moitié de catholiques. Le pape s’en plaignit beaucoup, mais inutilement[1].

Le vieil amiral Barberousse, qui avait passé l’hiver à Toulon et à Marseille, va encore ravager les côtes d’Italie, et ramène ses galères chargées de butin et d’esclaves à Constantinople, où il termine une carrière[2] qui fut longtemps fatale à la chrétienté. Il était triste que le roi nommé très-chrétien n’eût jamais eu d’amiral redoutable à son service qu’un mahométan barbare ; qu’il soudoyât des Turcs en Italie, tandis qu’on assemblait un concile ; et qu’il fît brûler à petit feu des luthériens dans Paris, en payant des luthériens en Allemagne.

François Ier jouit d’un succès moins odieux et plus honorable, par la bataille de Cérisoles, que le comte d’Enghien gagne dans le Piémont le 11 avril sur le marquis del Vasto, fameux général de l’empereur ; mais cette victoire fut plus inutile encore que tous les succès passagers de Louis XII et de Charles VIII. Elle ne peut conduire les Français dans le Milanais, et l’empereur pénètre jusqu’à Soissons, et menace Paris.

Henri VIII, de son côté, est en Picardie. La France, malgré la victoire de Cérisoles, est plus en danger que jamais. Cependant, par un de ces mystères que l’histoire ne peut guère expliquer, François Ier fait une paix avantageuse. À quoi peut-on l’attribuer qu’aux défiances que l’empereur et le roi d’Angleterre avaient l’un de l’autre ? Cette paix est conclue à Crépy le 18 septembre. Le traité porte que le duc d’Orléans, second fils du roi de France, épousera une fille de l’empereur ou du roi des Romains, et qu’il

  1. Le P. Barre, auteur d’une grande histoire de l’Allemagne, met dans la bouche de Charles-Quint ces paroles : « Le pape est bien heureux que les princes de la ligue de Smalcalde ne m’aient pas proposé de me faire protestant : car, s’ils l’avaient voulu, je ne sais pas ce que j’aurais fait. » On sait que c’est la réponse de l’empereur Joseph Ier quand le pape Clément XI se plaignit à lui de ses condescendances pour Charles XII. Le P. Barre ne s’est pas contenté d’imputer à Charles-Quint ce discours qu’il ne tint jamais ; mais il a, dans son histoire, inséré un très-grand nombre de faits et de discours pris mot pour mot de l’histoire de Charles XII. Il en a copié plus de deux cents pages. Il n’est pas impossible, à la rigueur, qu’on ait dit et fait, dans les xiie, xiiie et xive siècles, précisément les mêmes choses que dans le xviiie ; mais cela n’est pas bien vraisemblable. On a été obligé de faire cette note parce que des journalistes, ayant vu dans l’histoire de Charles XII et dans celle d’Allemagne tant de traits absolument semblables, ont accusé l’historien de Charles XII de plagiat, ne faisant pas réflexion que cet historien avait écrit plus de quinze ans avant l’autre. (Note de Voltaire.)
  2. C’est-à-dire : il cesse de faire la guerre. Il mourut plus tard, en 1546. (Cl.)