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CHARLES-QUINT.

protestants de la ligue de Smalcalde avaient en effet divisé l’Allemagne en deux parties. Dans l’une, il n’avait guère que le nom d’empereur ; dans l’autre, on ne combattait pas ouvertement son autorité, mais on ne la respectait pas autant qu’on eût fait si elle n’eût pas été presque anéantie chez les princes protestants.

Ces princes signalent leur crédit en ménageant la paix entre les rois de France et d’Angleterre. Ils envoient des ambassadeurs dans ces deux royaumes : cette paix se conclut, et Henri VIII favorise la ligue de Smalcalde.

Le luthéranisme avait fait tant de progrès que l’électeur de Cologne, Herman de Neuvied, tout archevêque qu’il était, l’introduisit dans ses États, et n’attendait que le moment de pouvoir se séculariser, lui et son électorat. Paul III l’excommunie, et le prive de son archevêché. Un pape peut excommunier qui il veut ; mais il n’est pas si aisé de dépouiller un prince de l’empire ; il faut que l’Allemagne y consente. Le pape ordonne en vain qu’on ne reconnaisse plus qu’Adolphe de Schavembourg, coadjuteur de l’archevêque, mais non coadjuteur de l’électeur : Charles-Quint reconnaît toujours l’électeur Herman de Neuvied, et le menace, afin qu’il ne donne point de secours aux princes de la ligue de Smalcalde ; mais, l’année suivante, Herman fut enfin déposé, et Schavembourg eut son électorat.

La guerre civile avait déjà commencé par l’aventure de Henri de Brunsvick, prisonnier chez le landgrave de Hesse. Albert de Brandebourg, margrave de Culembach, se joint à Jean de Brunsvick, neveu du prisonnier, pour le délivrer et le venger. L’empereur les encourage, et les aide sous main. Ce n’est point là le grand empereur Charles-Quint, ce n’est qu’un prince faible qui se plie aux conjonctures.

Alors les princes et les villes de la ligue mettent leurs troupes en campagne. Charles, ne pouvant plus dissimuler, commence par obtenir de Paul III environ dix mille hommes d’infanterie et cinq cents chevaux légers pour six mois, avec deux cent mille écus romains, et une bulle pour lever la moitié des revenus d’une année des bénéfices d’Espagne, et pour aliéner les biens des monastères jusqu’à la somme de cinq cent mille écus. Il n’osait demander les mêmes concessions sur les églises d’Allemagne. Les luthériens étaient trop voisins, et quelques églises eussent mieux aimé se séculariser que de payer.

Les protestants sont déjà maîtres des passages du Tyrol ; ils s’étendent de là jusqu’au Danube. L’électeur de Saxe Jean-Frédéric, Philippe, landgrave de Hesse, marchent par la Franconie.