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RODOLPHE II.

Tous les seigneurs, sous Henri III, voulurent devenir indépendants et puissants : ils troublèrent tout ; mais les seigneurs allemands étaient ce que les seigneurs français voulaient être.

1606. L’archiduc Mathias traite avec les Turcs, mais sans effet. Tant de traités avec les Turcs, avec les Hongrois, avec les Transylvains, ne sont que de nouvelles semences de troubles. Les Transylvains, après la mort de Botskai, élisent Sigismond Racoczi pour vayvode, malgré les traités faits avec l’empereur, et l’empereur le souffre.

1607-1608. Rodolphe, qui achetait si chèrement la paix chez lui, négocie pour l’établir enfin dans les Pays-Bas ; on ne pouvait l’avoir qu’aux dépens de la branche d’Autriche espagnole, comme il l’avait à ses dépens en Hongrie. La fameuse union d’Utrecht, de 1579, était trop puissante pour céder. Il fallait reconnaître les États-Généraux des sept provinces unies libres et indépendants. C’était principalement de l’Espagne que les sept provinces exigeaient cette reconnaissance authentique. Rodolphe leur écrit : « Vous êtes des États mouvants de l’empire ; votre constitution ne peut changer sans le consentement de l’empereur, votre chef. » Les États-Généraux ne firent pas seulement de réponse à cette lettre. Ils continuent à traiter avec l’Espagne, qui reconnut enfin, en 1609, leur indépendance.

Cependant cette philosophie tranquille et indifférente de Rodolphe, plus convenable à un homme privé qu’à un empereur, enhardit enfin l’ambition de l’archiduc Mathias, son frère ; il songe à ne lui laisser que le titre d’empereur, et à se faire souverain de la Hongrie, de l’Autriche, de la Bohême, dont Rodolphe négligeait le gouvernement, La Hongrie était envahie presque tout entière par les Turcs, et déchirée par ses factions ; l’Autriche, exposée ; la Bohême, mécontente. L’inconstant Battori, par une nouvelle vicissitude de sa fortune, venait encore d’être rétabli en Transylvanie par les suffrages de la nation et par la protection du sultan. Mathias négociait avec Battori, avec les Turcs, avec les mécontents de la Hongrie. Les états d’Autriche lui avaient fourni beaucoup d’argent. Il était à la tête d’une armée ; il prenait sur lui tous les soins, et voulait en recueillir le fruit.

L’empereur, retiré dans Prague, apprend les desseins de son frère, il craint pour sa sûreté, Il ordonne quelques levées à la hâte. Mathias, son frère, lève le masque, il marche vers Prague. Les protestants de la Bohême prennent ce temps de crise pour demander de nouveaux priviléges à Rodolphe, qu’ils menacent d’abandonner. Ils obtiennent que le clergé catholique ne se