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DU SIÈCLE DE LOUIS XIV.

rien prendre des Annales de l’abbé de Saint-Pierre, qu’il ne pouvait connaître[1] et desquelles il a vengé la mémoire de Louis XIV, dès qu’il les a connues. Secondement, il est très-faux que l’abbé de Saint-Pierre se soit étendu dans son livre sur les progrès de l’esprit humain chez notre nation. À peine en dit-il quelques mots ; et quand il parle des beaux-arts, c’est pour les avilir.

Voici comment il s’explique, page 155 : « La peinture, la sculpture, la musique, la poésie, la comédie, l’architecture, prouvent le nombre des fainéants, leur goût pour la fainéantise, qui suffit à nourrir et à entretenir d’autres espèces de fainéants, gens qui se piquent d’esprit agréable, mais non pas d’esprit utile, etc. »

Il est rare, sans doute, d’entendre un académicien dire que des arts qui exigent le travail le plus assidu sont des occupations de fainéants.

Quant à la personne de Louis XIV, il veut l’avilir aussi bien que les arts dont ce roi fut le protecteur. On ne peut rapporter qu’avec indignation ce qu’il en dit, page 265 : « Louis se gouvernait à l’égard de ses voisins et de ses sujets comme s’il eût adopté la maxime d’un célèbre tyran » ; qu’ils me haïssent, pourvu qu’ils me craignent. « Il sacrifiait tout au plaisir de se venger, et de montrer au public qu’il était redoutable ; c’est le goût des âmes médiocres, de tous les enfants, et de tous les hommes du commun. »

Il traite enfin Louis XIV, en vingt endroits, de grand enfant. Et lui, qui était sans contredit un vieil enfant, finit son livre par cette formule : Paradis aux bienfaisants ; mais il n’ose pas dire : Paradis aux médisants.

À l’égard de l’abbé Sabatier, natif de Castres, qui est venu à Paris faire le métier de calomniateur pour quelque argent, il est difficile d’espérer pour lui le paradis. C’est même un grand effort que de le lui souhaiter[2].

Saint-Réal (César Vichard de), né à Chambéry, mais élevé en France. Son Histoire de la conjuration de Venise est un chef-d’œuvre. Sa Vie de Jésus-Christ est bien différente. Mort en 1692.

Sallo (Denis de), né en 1626, conseiller au parlement de

  1. Dans sa lettre à Thieriot, du 31 octobre 1738, Voltaire lui recommande de tâcher d’obtenir de l’abbé de Saint-Pierre communication de son manuscrit. Il paraît que, entre la première édition du Siècle de Louis XIV (1751) et l’édition de 1756, Voltaire eut communication du manuscrit de l’abbé de Saint-Pierre ; car il le cite plusieurs fois dans des notes imprimées cette année. Voyez les chapitres xxviii, xxix, xxx. (B.)
  2. Voltaire parle encore de l’abbé de Saint-Pierre dans la septième de ses Lettres à Son Altesse Monseigneur le prince de ***.