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vingt mille hommes. L’électeur de Brandebourg, qui avait à sa solde vingt-cinq mille soldats, se mit en marche.

(Juillet 1672). Alors le roi quitta son armée. Il n’y avait plus de conquêtes à faire dans un pays inondé. La garde des provinces conquises devenait difficile. Louis voulait une gloire sûre ; mais, en ne voulant pas l’acheter par un travail infatigable, il la perdit. Satisfait d’avoir pris tant de villes en deux mois, il revint à Saint-Germain au milieu de l’été ; et laissant Turenne et Luxembourg achever la guerre, il jouit du triomphe. On éleva des monuments de sa conquête, tandis que les puissances de l’Europe travaillaient à la lui ravir.


CHAPITRE XI.

ÉVACUATION DE LA HOLLANDE. SECONDE CONQUÊTE DE LA FRANCHE-COMTÉ.


On croit nécessaire de dire à ceux qui pourront lire cet ouvrage qu’ils doivent se souvenir que ce n’est point ici une simple relation de campagnes, mais plutôt une histoire des mœurs des hommes. Assez de livres sont pleins de toutes les minuties des actions de guerre, et de ces détails de la fureur et de la misère humaine. Le dessein de cet essai est de peindre les principaux caractères de ces révolutions, et d’écarter la multitude des petits faits, pour laisser voir les seuls considérables, et, s’il se peut, l’esprit qui les a conduits.

La France fut alors au comble de sa gloire. Le nom de ses généraux imprimait la vénération. Ses ministres étaient regardés comme des génies supérieurs aux conseillers des autres princes ; et Louis était en Europe comme le seul roi. En effet, l’empereur Léopold ne paraissait pas dans ses armées ; Charles II, roi d’Espagne, fils de Philippe IV, sortait à peine de l’enfance ; celui d’Angleterre ne mettait d’activité dans sa vie que celle des plaisirs.

Tous ces princes et leurs ministres firent de grandes fautes. L’Angleterre agit contre les principes de la raison d’État en s’unissant avec la France pour élever une puissance que son intérêt était d’affaiblir. L’empereur, l’empire, le conseil espagnol, firent