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ÉCRIVAINS FRANÇAIS


Boursier (Laurent-François), de la société de Sorbonne, né en 1679, auteur du fameux livre de l’action de Dieu sur les créatures, ou de la prémotion physique. C’est un ouvrage profond par les raisonnements, fortifié par beaucoup d’érudition, et orné quelquefois d’une grande éloquence ; mais l’attachement à certains dogmes peut ravir à ce célèbre écrit beaucoup de sa solidité et de sa force. L’auteur ressemble à un homme d’État qui, en voulant établir des lois générales, les corrompt par des intérêts de famille. Il est trop difficile d’allier les systèmes sur la grâce avec le grand système de l’action éternelle et immuable de Dieu sur tout ce qui existe. Il faut avouer qu’il n’y a que deux manières philosophiques d’expliquer la machine du monde : ou Dieu a ordonné une fois, et la nature obéit toujours ; ou Dieu donne continuellement à tout l’être et toutes les modifications de l’être ; un troisième parti est inexplicable.

Il est dit dans le nouveau Dictionnaire historique[1], littéraire, critique, et janséniste, que « Boursier, semblable à l’aigle, s’élève en haut, et trempe sa plume dans le sein de Dieu ». On ne voit pas trop comment Dieu peut servir de cornet à M. Boursier. Voilà la première fois qu’on ait comparé Dieu à la bouteille à l’encre. Mort en 1749.

Bourzeis (Amable de), né en Auvergne en 1606, auteur de plusieurs ouvrages de politique et de controverse. Silhon[2] et lui sont soupçonnés d’avoir composé le Testament politique attribué au cardinal de Richelieu[3]. Mort en 1672.

Brébeuf (Guillaume de), né en Normandie en 1618. Il est connu par sa traduction de la Pharsale ; mais on ignore communément qu’il a fait le Lucain travesti[4]. Mort en 1661.

Breteuil (Gabrielle-Émilie Le Tonnelier de), marquise du Châtelet, née en 1706. Elle a éclairci Leibnitz, traduit et commenté Newton, mérite fort inutile à la cour, mais révéré chez toutes les nations qui se piquent de savoir, et qui ont admiré la profondeur de son génie et de son éloquence. De toutes les femmes qui ont illustré la France, c’est celle qui a eu le plus de véritable esprit, et qui a moins affecté le bel esprit[5]. Morte en 1749.

Brienne (Henri-Auguste de Loménie de), secrétaire d’État. Il a

  1. Voyez les notes des pages 24 et 42.
  2. Jean Silhon, conseiller d’État, l’un des premiers membres de l’Académie française, est mort en 1667.
  3. Voyez l’article Richelieu.
  4. Il n’en a fait que le premier livre.
  5. Voyez son Éloge par Voltaire dans les Mélanges à la date de 1752.