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PREMIÈRE PARTIE.

fendre au parlement de publier son arrêt pour conserver, disait-il, la supériorité des états sur le parlement. Voilà toute la part que le conseil suprême de Louis XIII eut dans cette affaire importante. Voilà comment, selon le critique La Beaumelle, ce conseil sollicita le clergé de déclarer qu’il est permis de déposer et de tuer les rois. L’auteur du Siècle de Louis XIV était et devait être informé de toutes ces particularités : il ne les a pas rapportées dans le tableau raccourci qu’il a fait de tant d’événements ; et il a dit d’autant moins en faire mention, que cette scène se passa près de trente années avant les temps qui sont l’objet de son travail. Un auteur doit toujours en savoir beaucoup plus que son livre, sans quoi il serait incapable de le faire ; un critique doit en savoir plus encore que l’auteur, sans quoi il est incapable de bien critiquer.

24o Apprenez qu’il est faux qu’un officier se soit percé de son épée en présence de Louis XIV, après avoir été outragé par une raillerie sanglante de ce monarque. Vous voulez flétrir en vain sa mémoire par un conte qui n’est pas même accrédité dans la populace, et qui ne se trouve dans aucun auteur connu des honnêtes gens.

25o Apprenez que beaucoup d’historiens ont prétendu que la reine Anne était d’intelligence avec son frère quand ce frère, en 1708, tenta de faire une descente en Écosse ; que Reboulet est de cette opinion ; que lui et ses garants se trompent ; et que, pour oser être critique, il faut savoir ce que les historiens ont rapporté, et ce qu’ils ont mal rapporté.

26o Apprenez que l’électeur palatin était à Manheim quand M. de Turenne saccageait Heidelberg et son pays.

27o Apprenez que le chevalier de Lorraine était à Paris, et non à Rome, quand Mme de Coëtquen lui révéla le secret de l’État, qu’elle avait arraché à M. de Turenne ; que ce grand homme ayant eu le courage d’avouer sa faiblesse, la perfidie de Mme de Coëtquen étant éclaircie, la division ayant troublé la maison de Monsieur, le chevalier ayant été enfermé à Pierre-Encise, il eut ensuite permission d’aller à Rome.

28o Apprenez que c’est le comble de l’impertinence de dire que « toutes les guerres d’aujourd’hui sont des guerres de commerce » ; qu’il n’y a eu que celle de l’Angleterre avec l’Espagne, en 1739, qui ait eu le commerce pour objet ; que jamais la France n’en a eu jusqu’ici aucune de cette nature ; que les guerres pour les successions de l’Espagne et de l’Autriche étaient d’un genre un peu supérieur.