Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/128

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
118
SUPPLÉMENT AU SIÈCLE DE LOUIS XIV.

d’autre fondement que l’envie de mettre au bas des pages de mon livre, mal contrefait, des faussetés dont votre témérité seule est capable.

23° Apprenez qu’il est faux, qu’il est impossible que le conseil de Louis XIII ait sollicité le cardinal Duperron de s’opposer, comme vous osez l’avancer, à cette fameuse proposition du tiers état « qu’aucune puissance spirituelle ne peut priver les rois de leur puissance sacrée, qu’ils ne tiennent que de Dieu seul. »

Quoi ! Vous avez le front de représenter le conseil d’un roi de France comme une troupe d’imbéciles et de perfides qui sollicitent le clergé d’enseigner qu’on peut déposer et tuer ses maîtres ! Si le malheur des temps et l’esprit de discorde avaient jamais pu porter le conseil d’un roi à une si lâche fureur, il faudrait avoir des preuves plus claires que le jour pour tirer de l’obscurité une anecdote aussi infâme. Mais quelle preuve en pouvez-vous avoir, vous, audacieux ignorant, qui n’avez jamais rien lu, et qui écrivez de caprice ce que vous dicte votre démence ? Vous avez peut-être entendu dire confusément que le conseil du roi se mêla, comme il le devait, de cette célèbre querelle entre le clergé et le tiers état dans les états de 1614. Il ne sera pas inutile de dire ici que, le 5 de janvier 1615, la chambre du clergé fit enfin signifier à la chambre du tiers état l’article qu’elle dressa suivant la quinzième session du concile de Constance, qui condamne comme abominable et hérétique l’opinion « qu’il est permis d’attenter à la personne sacrée des rois » ; mais elle ne se relâcha point sur l’article de la déposition, et le cardinal Duperron maintint toujours « qu’il n’était pas sûr et indubitable qu’un roi ne pût pas être déposé par l’Église ».

Le parlement, qui dans tous les temps a maintenu le droit de la couronne contre les entreprises ecclésiastiques, avait pris ce temps pour donner un arrêt, le 2 janvier, conforme à cent arrêts précédents, par lesquels « nulle puissance n’a droit ni pouvoir de dispenser les sujets du serment de fidélité ». La chambre du clergé demanda la cassation de cet arrêt, sous prétexte qu’il était rendu pendant la tenue des états, et que le parlement n’avait pas droit de se mêler de la législation tandis que les législateurs étaient assemblés. Ce nouvel incident échauffa les esprits. On assembla le conseil du roi le 6 janvier ; et le prince de Condé, chef du conseil, après avoir opiné sévèrement contre le cardinal Duperron, et après avoir donné les plus grands éloges à la fidélité et au zèle du parlement, conclut pourtant, pour le bien de la paix, à interdire sur ce point toute dispute au clergé et au tiers état, et à dé-