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AVERTISSEMENT DE BEUCHOT.

lons sans suite, des minutes informes[1] ; mais le nom de l’auteur leur donnait du prix. Ximenès, qui avait mangé une fortune de six cents mille livres, tira six cents livres de son larcin. L’intermédiaire entre le libraire de Paris, Prieur, et lui, avait été le chevalier de La Morlière, qui sans doute ne s’oublia pas dans le marché, et qui, après l’avoir consommé à Paris, alla à Rouen vendre une autre copie[2]. Sur les plaintes de Voltaire on saisit l’édition de Prieur[3] ; mais on ne put empêcher la circulation des exemplaires émis. Il s’en fit plusieurs impressions : j’ai sous les yeux deux éditions : l’une, anonyme, Amsterdam, 1755, in-12 ; l’autre, avec le nom de l’auteur, La Haye, 1756, in-12. La Bibliothèque historique de la France, n° 24, 666, ne parle que de l’édition d’Amsterdam.

Je ne sais à quelle époque ont paru les « Réflexions sur le peu d’exactitude des mémoires d’après lesquels M. de Voltaire a traité, dans son Abrégé d’histoire universelle jusqu’à nos jours, le morceau qui porte pour titre : Affaire de Gênes et de Provence en 1746 et 1747, in-8° de quinze pages ». Mais je ferai observer que le morceau critiqué termine, sous le titre d’Additions, la seconde partie de l’Histoire de la guerre de mil sept cent quarante et un ; il n’a jamais fait partie de l’Abrégé de l’histoire universelle, ni d’aucune édition de l’Essai sur les Mœurs. L’auteur de ces Réflexions est M. de La Porte, mort en 1793, ancien intendant du Bourbonnais et du Dauphiné, et qui avait été intendant de l’armée en Italie pendant les campagnes de 1743 et 1746 ; il a été en correspondance avec Danchet, de Boze, Voisenon, Tressan, etc., etc., et avait fait imprimer, en 1790 ou 1791, quelques pages sur les droits de la France relativement à Avignon.

L’historien Anquetil, qui possédait un exemplaire de l’édition anonyme de l’Histoire de la guerre de mil sept cent quarante et un, et qui n’en connaissait pas l’auteur, a porté un jugement très-favorable de cet ouvrage. Voltaire ne cessait de répéter que c’était un ramas informe et défiguré de ses manuscrits[4]. Il avait déjà conduit son travail jusqu’à la paix d’Aix-la-

  1. Lettre de Mme  Denis, du 13 août 1755 (imprimée dans Mon Séjour auprès de Voltaire, par Colini, page 154), et lettres de Voltaire à Thieriot, du 10 septembre 1755 ; à d’Argental, du même jour.
  2. Lettre à d’Argental, du 10 septembre 1755. Il est douteux que Mme  Denis ait dit toute la vérité à Voltaire, qui ne parle guère ici que d’après sa nièce. Mme  Denis était compromise dans cette affaire, dit Colini, page 152. Nous dérobions à Voltaire, ajoute-t-il, une partie de nos démarches, pour ne point augmenter ses inquiétudes. On peut excuser cette réserve. Voltaire n’eût pas appris toute la vérité sans ressentir une plus grande peine. Je crois aussi qu’il ne connaissait pas tous les intermédiaires entre Ximenès et Prieur. L’agent de police pour la librairie était alors d’Hémery, dont je possède quelques rapports manuscrits. D’Hémery nomme Richer comme intermédiaire entre Prieur et La Morlière. Malgré la gravité des torts de Ximenès et les désagréments qui en furent la suite, Voltaire avait tout oublié quelques années après, et ne fit pas bien dures les conditions du raccommodement. Il demanda seulement que ses Lettres sur la Nouvelle Héloise parussent sous le nom de Ximenès. (B.) — Voyez, à la suite de cet Avertissement, le rapport de l’inspecteur d’Hémery à M. Berryer, lieutenant de police. (L. M.)
  3. Les manuscrits de d’Hémery disent qu’on en saisit seize cents exemplaires.
  4. Lettre au comte de Tressan, du 11 janvier 1756.