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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/171

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de lui prescrire des conditions. Il envoya la lettre de Daubenton au roi d’Espagne. Ce monarque montra froidement la lettre à son confesseur, qui tomba évanoui, et mourut peu de temps après[1].


CHAPITRE II.

SUITE DU TABLEAU DE L’EUROPE. RÉGENCE DU DUC D’ORLÉANS. SYSTÈME DE LAW OU LASS.


Ce qui étonna le plus toutes les cours de l’Europe, ce fut de voir quelque temps après, en 1724 et 1725, Philippe V et Charles VI, autrefois si acharnés l’un contre l’autre, maintenant étroitement unis, et les affaires sorties de leur route naturelle au point que le ministère de Madrid gouverna une année entière la cour de

  1. Ce fait se trouve attesté dans l’histoire civile d’Espagne, écrite par Belando, imprimée avec la permission du roi d’Espagne lui-même ; elle doit être dans la bibliothèque des cordeliers à Paris. On peut la lire à la page 306 de la ive partie. J’en ai la copie entre les mains. Cette perfidie de Daubenton, plus commune qu’on ne croit, est connue de plus d’un grand d’Espagne qui l’atteste. (Note de Voltaire.)

    — Victor-Amédée est le premier prince de l’Europe qui ait renoncé aux confesseurs jésuites, et ôté à ces pères les collèges de ses États. Voici à quelle occasion. Un jésuite qu’il avait pour confesseur étant tombé malade, Victor allait souvent le voir ; peu de jours avant de mourir, le confesseur le pria d’approcher de lui : « Comblé de vos bontés, lui dit-il, je ne puis vous marquer ma reconnaissance qu’en vous donnant un dernier conseil, mais si important que peut-être il suffit pour m’acquitter envers vous. N’ayez jamais de confesseur jésuite. Ne me demandez point les motifs de ce conseil, il ne me serait pas permis de vous le dire. » Victor le crut, et depuis ce temps il ne voulut plus confier aux jésuites ni sa conscience ni l’éducation de ses sujets. Nous tenons ce fait d’un homme aussi véridique qu’éclairé, qui l’a entendu de la bouche même de Victor-Amédée. (K.) — Voltaire parle un peu plus longuement de la révélation du P. Daubenton dans un article sur les Mémoires du Maréchal de Noailles, faisant le cinquième des morceaux extraits du Journal de politique et de littérature. L’indiscrétion du jésuite avait été révoquée en doute par l’abbé Grozier, dans l’Année littéraire, 1777, tome IV, pages 145 et suiv. ; mais elle est évidente. On a vu dans la note de Voltaire qu’il citait l’exemplaire de Belando, déposé dans la bibliothèque des cordeliers à Paris. Cet exemplaire est aujourd’hui à la Bibliothèque du roi, et contient, dans les deux langues (espagnole et française), un avertissement manuscrit du P. Belando, rédigé au moment du départ de ce religieux pour l’exil, et qui confirme ce qu’il avait dit du P. Daubenton. Cette pièce a été imprimée en 1823, dans la treizième livraison de la France catholique, tome III, pages 7-11. Elle est précédée du texte du passage de l’histoire du P. Belando où il est question de Daubenton. (B.)