Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/201

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d’autres révolutions. L’héritage de cette maison sembla surtout devoir être déchiré ; il s’agissait de la Hongrie et de la Bohême, royaumes longtemps électifs, que les princes autrichiens avaient rendus héréditaires ; de la Souabe autrichienne, appelée Autriche antérieure ; de la haute et basse Autriche, conquises au xiiie siècle ; de la Stirie, de la Carinthie, de la Carniole, de la Flandre, du Burgau, des quatre villes forestières, du Brisgaw, du Frioul, du Tyrol, du Milanais, du Mantouan, du duché de Parme ; à l’égard de Naples et de Sicile, ces deux royaumes étaient entre les mains de don Carlos, fils du roi d’Espagne Philippe V.

Marie-Thérèse, fille aînée de Charles VI, se fondait sur le droit naturel qui l’appelait à l’héritage de son père, sur une pragmatique solennelle qui confirmait ce droit, et sur la garantie de presque toutes les puissances. Charles-Albert, électeur de Bavière, demandait la succession en vertu d’un testament de l’empereur Ferdinand Ier, frère de Charles-Quint[1].

Auguste III[2], roi de Pologne, électeur de Saxe, alléguait des droits plus récents, ceux de sa femme même, fille aînée de l’empereur Joseph Ier, frère aîné de Charles VI.

Le roi d’Espagne étendait ses prétentions sur tous les États de la maison d’Autriche, en remontant à la femme de Philippe II, fille de l’empereur Maximilien II. Philippe V descendait de cette princesse par les femmes. Louis XV aurait pu prétendre à cette succession à d’aussi justes titres que personne, puisqu’il descendait en droite ligne de la branche aînée masculine d’Autriche par la femme de Louis XIII, et par celle de Louis XIV ; mais il lui convenait plus d’être arbitre et protecteur que concurrent : car il pouvait alors décider de cette succession et de l’empire, de concert avec la moitié de l’Europe ; mais s’il y eût prétendu, il aurait eu l’Europe à combattre. Cette cause de tant de têtes couronnées fut plaidée dans tout le monde chrétien par des Mémoires publics ; tous les princes, tous les particuliers, y prenaient intérêt. On s’attendait à une guerre universelle ; mais ce qui confondit la politique humaine, c’est que l’orage commença d’un côté personne n’avait tourné les yeux.

Un nouveau royaume s’était élevé au commencement de ce siècle : l’empereur Léopold, usant du droit que se sont toujours

  1. Voyez Annales de l’Empire, année 1564, tome XIII, page 534.
  2. Voltaire l’appelle encore Auguste III dans le chapitre xxxii ci-après, et tome XIII, page 612. Mais, dans le chapitre xiv ci-après, Voltaire l’appelle Auguste II. Voyez la note, tome XIII, page 213.