Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/207

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concerter ces vastes projets que le concours de tant de princes semblait rendre infaillibles. Il fut d’accord de tout avec le roi de Prusse et le roi de Pologne, électeur de Saxe. Il négociait dans toute l’Allemagne ; il était l’âme du parti qui devait procurer l’empire et des couronnes héréditaires à un prince qui pouvait peu par lui-même. La France donnait à la fois, à l’électeur de Bavière, de l’argent, des alliés, des suffrages, et des armées. (31 juillet 1741) Le roi, en lui envoyant l’armée qu’il lui avait promise, créa, par lettres patentes[1], son lieutenant général celui qu’il allait faire empereur d’Allemagne[2].

L’électeur de Bavière, fort de tant de secours, entra facilement dans l’Autriche tandis que la reine Marie-Thérèse résistait à peine au roi de Prusse. Il se rend d’abord maître de Passau, ville impériale qui appartient à son évêque, et qui sépare la haute Autriche de la Bavière. Il arrive à Lintz, capitale de cette haute Autriche. (15 auguste) Des partis poussent jusqu’à trois lieues de Vienne : l’alarme s’y répand ; on s’y prépare à la hâte à soutenir un siège ; on détruit un faubourg presque tout entier, et un palais qui touchait aux fortifications ; on ne voit sur le Danube que des bateaux chargés d’effets précieux qu’on cherche à mettre en sûreté. L’électeur de Bavière fit même faire une sommation au comte de Kevenhuller, gouverneur de Vienne.

L’Angleterre et la Hollande étaient alors loin de tenir cette balance qu’elles avaient longtemps prétendu avoir dans leurs mains ; les États-Généraux restaient dans le silence à la vue d’une armée du maréchal de Maillebois, qui était en Vestphalie ; et cette même armée en imposait au roi d’Angleterre, qui craignait pour ses États de Hanovre, où il était pour lors. Il avait levé vingt-cinq mille hommes pour secourir Marie-Thérèse ; mais il fut obligé de l’abandonner à la tête de cette armée levée pour elle, et de signer un traité de neutralité.

Il n’y avait alors aucune puissance, ni dans l’empire, ni hors de l’empire, qui soutînt cette pragmatique sanction que tant d’États avaient garantie. Vienne, mal fortifiée par le côté menacé, pouvait à peine résister ; ceux qui connaissaient le mieux l’Allemagne et les affaires publiques croyaient voir, avec la prise de Vienne, le chemin fermé aux Hongrois, tout le reste ouvert aux armées victorieuses, toutes les prétentions réglées, et la paix rendue à l’empire et à l’Europe.

  1. Ces lettres ne furent scellées que le 20 auguste 1741. (Note de Voltaire.)
  2. C’était une maladresse ; l’Allemagne se sentit blessée. (G. A.)