Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/274

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Les troupes de l’impératrice-reine, d’un côté, les piémontaises, de l’autre, gagnèrent du terrain partout. Des places perdues, des échecs redoublés, diminuèrent l’armée française et espagnole, et enfin la fatale journée de Plaisance la réduisit à sortir avec peine de l’Italie, dans un état déplorable.

Le prince de Liechtenstein commandait l’armée de l’impératrice-reine. Il était encore à la fleur de son âge : on l’avait vu ambassadeur du père de l’impératrice à la cour de France, dans une plus grande jeunesse, et il y avait acquis l’estime générale. (10 juin 1746) Il la mérita encore davantage le jour de la bataille de Plaisance, par sa conduite et par son courage : car, se trouvant dans le même état de maladie et de langueur où l’on avait vu le maréchal de Saxe à la bataille de Fontenoy, il surmonta comme lui l’excès de son mal pour accourir à cette bataille, et il la gagna d’une manière aussi complète. Ce fut la plus longue et une des plus sanglantes de toute la guerre. Le maréchal de Maillebois n’était point d’avis d’attaquer l’armée impériale ; mais le comte de Gages lui montra des ordres précis de la cour de Madrid[1]. Le général français attaqua trois heures avant le jour, et fut longtemps vainqueur à son aile droite, qu’il commandait ; mais l’aile gauche de cette armée ayant été enveloppée par un nombre supérieur d’Autrichiens, le général d’Harembure blessé et pris, et le maréchal de Maillebois n’ayant pu le secourir assez tôt, cette aile gauche fut entièrement défaite, et on fut obligé, après neuf heures de combat, de se retirer sous Plaisance.

Si l’on combattait de près, comme autrefois, une mêlée de neuf heures, de bataillon contre bataillon, d’escadron contre escadron, et d’homme contre homme, détruirait des armées entières, et l’Europe serait dépeuplée par le nombre prodigieux de combats qu’on a livrés de nos jours ; mais, dans ces batailles, comme je l’ai déjà remarqué[2], on ne se mêle presque jamais. Le fusil et le canon sont moins meurtriers que ne l’étaient autrefois la pique et l’épée. On est très-longtemps même sans tirer, et dans le terrain coupé d’Italie on tire entre des haies ; on consume du temps à s’emparer d’une cassine, à pointer son canon, à se former et à se reformer : ainsi neuf heures de combat ne sont pas neuf heures de destruction.

La perte des Espagnols, des Français, et de quelques régiments

  1. Maillebois dut obéir à l’infant don Philippe, généralissime des armées combinées. (G. A.)
  2. Chapitre xv, note 1, page 244.