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CHAPITRE XXIII.

LE ROI DE FRANCE, MAÎTRE DE LA FLANDRE ET VICTORIEUX, PROPOSE EN VAIN LA PAIX. PRISE DU BRABANT HOLLANDAIS. LES CONJONCTURES FONT UN STATHOUDER.


Dans ce fracas d’événements, tantôt malheureux, tantôt favorables, le roi, victorieux en Flandre, était le seul souverain qui voulût la paix. Toujours en droit d’attaquer le territoire des Hollandais, et toujours le menaçant, il crut les amener à son grand dessein d’une pacification générale en leur proposant un congrès dans une de leurs villes ; on choisit Bréda. Le marquis de Puisieux y alla des premiers en qualité de plénipotentiaire. Les Hollandais envoyèrent à Bréda M. de Vassenaer, sans avoir aucune vue déterminée. La cour d’Angleterre, qui ne penchait pas à la paix, ne put paraître publiquement la refuser. Le comte de Sandwich, petit-fils par sa mère du fameux Wilmot, comte de Rochester, fut le plénipotentiaire anglais[1]. Mais tandis que les puissances auxiliaires de l’impératrice-reine avaient des ministres à ce congrès inutile, cette princesse n’y en eut aucun[2].

Les Hollandais devaient plus que toute autre puissance presser l’heureux effet de ces apparences pacifiques. Un peuple tout commerçant, qui n’était plus guerrier, qui n’avait ni bons généraux ni bons soldats, et dont les meilleures troupes étaient prisonnières en France au nombre de plus de trente-cinq mille hommes, semblait n’avoir d’autre intérêt que de ne pas attirer sur son terrain l’orage qu’il avait vu fondre sur la Flandre. La Hollande n’était plus même une puissance maritime ; ses amirautés ne pouvaient pas alors mettre en mer vingt vaisseaux de guerre. Les régents sentaient tous que si la guerre entamait leurs provinces, ils seraient forcés de se donner un stathouder, et par conséquent un maître. Les magistrats d’Utrecht, de Dordrecht, de La Brille, avaient toujours insisté pour la neutralité ; quelques

  1. Il était alors très-jeune ; c’est le même que nous avons vu deux fois dans le ministère britannique, et qui a été premier lord de l’amirauté jusqu’en 1782, dans la guerre actuelle. (K.) — Jean Montagu, comte de Sandwich, né en 1718, est mort en 1792.
  2. Et ce fut ce défaut qui servit de prétexte au plénipotentiaire anglais de ne rien conclure. (G. A.)