Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/302

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homme de grande espérance qui était prêt de faire une fortune considérable ; qu’en peu de temps il s’était fait plus de vingt mille livres de rente, mais qu’il avait besoin d’amis pour s’établir à Londres. » La liberté d’imprimer est un des privilèges dont les Anglais sont le plus jaloux. La loi ne permet pas d’attrouper le peuple et de le haranguer ; mais elle permet de parler par écrit à la nation entière. Le gouvernement fit visiter toutes les imprimeries : mais, n’ayant le droit d’en faire fermer aucune sans un délit constaté, il les laissa subsister toutes.

La fermentation commença à se manifester dans Londres quand on apprit que le prince Édouard s’était avancé jusqu’à Carlisle, et qu’il s’était rendu maître de la ville (26 novembre 1745[1]) ; que ses forces augmentaient, et qu’enfin il était à Derby (4 décembre), dans l’Angleterre même, à trente lieues de Londres : alors il eut pour la première fois des Anglais nationaux dans ses troupes. Trois cents hommes du comté de Lancastre prirent parti dans son régiment de Manchester. La renommée, qui grossit tout, faisait son armée forte de trente mille hommes. On disait que tout le comté de Lancastre s’était déclaré. Les boutiques et la Banque furent fermées un jour à Londres[2].


CHAPITRE XXV.

SUITE DES AVENTURES DU PRINCE CHARLES-ÉDOUARD. SA DÉFAITE, SES MALHEURS ET CEUX DE SON PARTI.


Depuis le jour que le prince Édouard aborda en Écosse ses partisans sollicitaient des secours de France ; les sollicitations redoublaient avec les progrès. Quelques Irlandais qui servaient dans les troupes françaises s’imaginèrent qu’une descente en Angleterre, vers Plymouth, serait praticable. Le trajet est court de Calais ou de Boulogne vers les côtes. Ils ne voulaient point une flotte de vaisseaux de guerre, dont l’équipement eût consumé

  1. Ou plutôt, 15 novembre.
  2. On disait aussi que les Français avaient débarqué au nombre de dix mille. George II fit cacher ses trésors, et se disposa à s’embarquer pour la Hollande. (G. A.)