Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/301

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« Le 4, la maison du Sud et la maison des Indes ont été changées en couvents.

« Le 20, on a mis en prison six membres du parlement.

« Le 26, on a cédé trois ports d’Angleterre aux Français.

« Le 28, la loi habeas corpus a été abolie, et on a passé un nouvel acte pour brûler les hérétiques,

« Le 29, le P. Poignardini, jésuite italien, a été nommé garde du sceau privé. »

Cependant on suspendait en effet, le 28 octobre, la loi habeas corpus. C’est une loi regardée comme fondamentale en Angleterre, et comme le boulevard de la liberté de la nation. Par cette loi, le roi ne peut faire emprisonner aucun citoyen sans qu’il soit interrogé dans les vingt-quatre heures, et relâché sous caution jusqu’à ce que son procès lui soit fait ; et s’il a été arrêté injustement, le secrétaire d’État doit être condamné à lui payer chèrement chaque heure.

Le roi n’a pas le droit de faire arrêter un membre du parlement, sous quelque prétexte que ce puisse être, sans le consentement de la chambre. Le parlement, dans les temps de rébellion, suspend toujours ces lois par un acte particulier pour un certain temps, et donne pouvoir au roi de s’assurer, pendant ce temps seulement, des personnes suspectes. Il n’y eut aucun membre des deux chambres qui donnât sur lui la moindre prise. Quelques-uns cependant étaient soupçonnés par la voix publique d’être jacobites ; et il y avait des citoyens dans Londres qui étaient sourdement de ce parti ; mais aucun ne voulait hasarder sa fortune et sa vie sur des espérances incertaines. La défiance et l’inquiétude tenaient en suspens tous les esprits ; on craignait de se parler. C’est un crime en ce pays de boire à la santé d’un prince proscrit qui dispute la couronne, comme autrefois à Rome c’en était un, sous un empereur régnant, d’avoir chez soi la statue de son compétiteur. On buvait à Londres à la santé du roi et du prince, ce qui pouvait aussi bien signifier le roi Jacques et son fils le prince Charles-Édouard que le roi George et son fils aîné le prince de Galles[1]. Les partisans secrets de la révolution se contentaient de faire imprimer des écrits tellement mesurés que le parti pouvait aisément les entendre sans que le gouvernement pût les condamner. On en distribua beaucoup de cette espèce ; un entre autres par lequel on avertissait « qu’il y avait un jeune

  1. Frédéric-Louis, né en 1707, mort en 1751, père de George III ; voyez tome XIII, page 214.