Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/362

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grand nom. Cette succession de cinq femmes sans interruption est une chose unique dans l’histoire du monde.

Le roi de Prusse, privé du secours de l’empereur russe, qui voulait combattre sous lui, n’en continua pas moins la guerre contre la maison d’Autriche, la moitié de l’empire, la France, et la Suède.

Il est vrai que les exploits des Suédois n’étaient pas ceux de Gustave-Adolphe. Sa sœur, femme du roi de Suède, n’avait nulle envie de lui faire du mal. Ce n’était pas la cour de Stockholm qui armait contre lui, c’était le sénat ; et le se sénat n’armait que parce que la France lui donnait de l’argent. La cour, qui n’était pas assez puissante pour empêcher ce sénat d’envoyer des troupes en Poméranie, l’était assez pour les rendre inutiles ; et, dans le fond, les Suédois faisaient semblant de faire la guerre pour le peu d’argent qu’on leur donnait.

Ce fut en Allemagne principalement que le sang fut toujours répandu. Les frontières de France ne furent jamais entamées, L’Allemagne devint un gouffre qui engloutissait le sang et l’argent de la France. Les bornes de cette histoire, qui n’est qu’un précis, ne permettent pas de raconter ce nombre prodigieux de combats livrés depuis les bords de la mer Baltique jusqu’au Rhin ; presque aucune bataille n’eut de grandes suites, parce que chaque puissance avait toujours des ressources. Il n’en était pas de même en Amérique et dans l’Inde, où la perte de douze cents hommes est irréparable. La journée même de Rosbach ne fut suivie d’aucune révolution. La bataille que les Français perdirent auprès de Minden en 1759 (1er auguste), et les autres échecs qu’ils essuyèrent les firent rétrograder ; mais ils restèrent toujours en Allemagne. (23 juin 1758) Lorsqu’ils furent battus à Crevelt entre Clèves et Cologne, ils restèrent pourtant encore les maîtres du duché de Clèves et la ville de Gueldre. Ce qui fut le plus remarquable dans cette journée de Crevelt, ce fut la perte du comte de Gisors, fils unique du maréchal de Belle-Isle, blessé en combattant à la tête des carabiniers. C’était le jeune homme de la plus grande espérance, également instruit dans les affaires et

    magnifiquement. Le lendemain Catherine fut proclamée impératrice, après avoir déclaré officiellement que son mari était mort d’une colique hémorroïdale. On voit par sa lettre adressée, le 1er avril 1768, au duc de Choiseul, à l’époque où il s’occupait à publier la première édition de son Précis, que Voltaire ne croyait pas Catherine II si coupable qu’on le disait, et qu’il n’avait pas encore vu le manuscrit de Bulhière, publié seulement après la mort de l’impératrice (1797), avec le titre d’Histoire de la révolution de Russie en 1762. (Cl.)