Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/361

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Breslau. Marie-Thérèse semblait toucher au moment de recouvrer sa Silésie. Il n’avait plus Dresde, ni rien de la partie de la Saxe qui touche à la Bohême. Le roi de Pologne espérait de rentrer dans ses États héréditaires, (6 janvier 1762) lorsque la mort d’Élisabeth, impératrice de Russie, donna encore une nouvelle face aux affaires, qui changèrent si souvent.

Le nouvel empereur, Pierre III, était l’ami secret du roi de Prusse depuis longtemps. Non-seulement il fit la paix avec lui dès qu’il fut sur le trône, mais il devint son allié contre cette même impératrice-reine, dont Élisabeth avait été l’amie la plus constante. Ainsi on vit tout d’un coup le roi de Prusse, qui était auparavant si pressé par les Russes et les Autrichiens, se préparer à entrer en Bohême à l’aide d’une armée de ces mêmes Russes qui combattaient contre lui quelques semaines auparavant.

Cette nouvelle situation fut aussi promptement dérangée qu’elle avait été formée : une révolution subite changea les affaires de la Russie.

Pierre III voulait répudier sa femme, et indisposait contre lui la nation. Il avait dit un jour, étant ivre, au régiment Préobasinski, à la parade, qu’il le battrait avec cinquante Prussiens. Ce fut ce régiment qui prévint tous ses desseins, et qui le détrôna[1]. Les soldats et le peuple se déclarèrent contre lui. (28 juillet) Il fut poursuivi, pris, et mis dans une prison où il ne se consola qu’en buvant du punch pendant huit jours de suite, au bout desquels il mourut. L’armée et les citoyens proclamèrent d’une commune voix sa femme, Catherine-Anhalt-Zerbst, impératrice, quoiqu’elle fût étrangère, étant de cette maison d’Ascanie, l’une des plus anciennes de l’Europe. C’est elle qui depuis est devenue la véritable législatrice de ce vaste empire. Ainsi la Russie a été gouvernée par cinq femmes de suite : Catherine, veuve de Pierre le Grand ; Anne, nièce de ce monarque ; la duchesse de Brunsvick, régente sous le court empire de son malheureux fils le prince Ivan ; Élisabeth, fille du czar Pierre le Grand et de Catherine Ire ; et enfin cette Catherine II[2] qui s’est fait en si peu de temps

  1. Il y eut trois conspirations tramées à la fois contre lui par sa femme, et qui toutes trois éclatèrent le même jour. Catherine n’avait cessé de préparer sa perte. Frédéric avait même averti souvent le czar. (G. A.)
  2. Pierre III (Charles-Pierre-UIric), petit-fils de Pierre Ier et de Catherine Ire, après avoir été proclamé, le 5 janvier 1762, successeur de sa tante Élisabeth, fut détrôné par sa femme, Catherine II, dans la nuit du 8 au 9 juillet suivant, et étranglé dans la citadelle de Ropschen le 17, par Alexis Orloff, que l’impératrice n’avait peut-être pas chargé de commettre ce crime, mais qu’elle récompensa