Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/441

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

deux guerres funestes. Les étoffes se sont manufacturées à moins de frais par les soins d’un des plus célèbres mécaniciens[1]. Un académicien encore plus utile[2], par les objets qu’il embrasse, a perfectionné beaucoup l’agriculture, et un ministre éclairé[3] a rendu enfin les blés exportables, commerce nécessaire défendu trop longtemps, et qui doit être contenu peut-être autant qu’encouragé.

Un autre académicien[4] a donné le moyen le plus avantageux de fournir à toutes les maisons de Paris l’eau qui leur manque : projet qui ne peut être rejeté que par la pauvreté, ou par la négligence, ou par l’avarice.

Un médecin[5] a trouvé enfin le secret longtemps cherché de rendre l’eau de la mer potable : il ne s’agit plus que de rendre cette expérience assez facile pour qu’on en puisse profiter en tout temps sans trop de frais.

Si quelque invention peut suppléer à la connaissance qui nous est refusée des longitudes sur la mer, c’est celle du plus habile horloger de France[6] qui dispute cette invention à l’Angleterre. Mais il faut attendre que le temps mette son sceau à toutes ces découvertes. Il n’en est pas d’une invention qui peut avoir son utilité et ses inconvénients, d’une découverte qui peut être contestée, d’une opinion qui peut être combattue, comme de ces grands monuments des beaux-arts en poésie, en éloquence, en musique, en architecture, en sculpture, en peinture, qui forcent tout d’un coup le suffrage de toutes les nations, et qui s’assurent ceux de la postérité par un éclat que rien ne peut obscurcir.

Nous avons déjà parlé du célèbre dépôt des connaissances humaines, qui a paru sous le titre de Dictionnaire encyclopédique[7]. C’est une gloire éternelle pour la nation que des officiers de guerre sur terre et sur mer, d’anciens magistrats, des médecins qui connaissent la nature, de vrais doctes quoique docteurs, des hommes de lettres, dont le goût a épuré les connaissances, des géomètres, des physiciens, aient tous concouru à ce travail aussi utile que pénible, sans aucune vue d’intérêt, sans même rechercher la gloire, puisque plusieurs cachaient leurs noms ; enfin

  1. M. Vaucanson. (Note de Voltaire.)
  2. M. Duhamel du Monceau. (Id.)
  3. Turgot ; voyez le Petit Écrit (daté du 1er janvier 1775) sur l’arrêt du conseil du 15 septembre 1774, qui permet le libre commerce des blés dans le royaume.
  4. M. de Parcieux. (Note de Voltaire.)
  5. M. Poissonnier. (Id.)
  6. M. Leroi. (Id.)
  7. Voyez l’article intitulé D’un Fait singulier concernant la littérature ; la huitième des Lettres à Son Altesse Monseigneur le prince de *** ; et tome XIV, page 153.