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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/459

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DES ANCIENS PARLEMENTS.


liberté s’appelèrent francs-bourgeois. Ceux qui entrèrent au conseil de ville furent nommés grands-bourgeois, et ceux qui demeurèrent serfs, attachés à la ville comme les paysans à la glèbe, furent nommés petits-bourgeois.

Les rois de France ne furent longtemps que les chefs très-peu puissants de seigneurs aussi puissants qu’eux. Chaque possesseur d’un fief dominant établit chez lui des lois selon son caprice ; de là viennent tant de coutumes différentes et également ridicules. L’un se donnait le droit de siéger à l’église parmi des chanoines, avec un surplis, des bottes, et un oiseau sur le poing. L’autre ordonnait que pendant les couches de sa femme tous ses vassaux battraient les étangs pour faire taire les grenouilles du voisinage. Un autre se donnait le droit de marquette, de cuissage, de prélibation, c’est-à-dire de coucher avec toutes ses vassales, la première nuit de leurs noces.

Au milieu de cette épaisse barbarie, les rois assemblaient encore des parlements, composés des hauts-barons qui voulaient bien s’y trouver, et des évêques et abbés. C’était, à la vérité, une chose bien ridicule de voir des moines violer leurs vœux de pauvreté et d’obéissance pour venir siéger avec les principaux de l’État ; mais c’était bien pis en Allemagne, où ils se firent princes souverains. Plus les peuples étaient grossiers, plus les ecclésiastiques étaient puissants.

Ces parlements de France étaient les états de la nation, à cela près que le corps de la nation n’y avait aucune part : car la plupart des villes, et tous les villages sans exception, étaient en esclavage.

L’Europe entière, excepté l’empire des Grecs, fut longtemps gouvernée sur ce modèle. On demande comment il se put faire que tant de nations différentes semblassent s’accorder à vivre dans cette humiliante servitude, sous environ soixante ou quatre-vingts tyrans qui avaient d’autres tyrans sous eux, et qui tous ensemble composaient la plus détestable anarchie. Je ne sais d’autre réponse, sinon que la plupart des hommes sont des imbéciles, et qu’il était aisé aux successeurs des vainqueurs, Lombards, Vandales, Francs, Huns, Bourguignons, étant possesseurs de châteaux, étant armés de pied en cap, et montés sur de grands chevaux bardés de fer, de tenir sous le joug les habitants des villes et des campagnes qui n’avaient ni chevaux, ni armes, et qui, occupés du soin de gagner leur vie, se croyaient nés pour servir.

Chaque seigneur féodal rendait donc justice dans ses domaines comme il le voulait. La loi en Allemagne portait qu’on appelât