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CHAPITRE I.


se fit sacrer par un nommé Boniface, auquel il avait donné l’archevêché de Mayence, et ensuite par le pape Étienne, qui, selon Eginhard, secrétaire de Charlemagne, déposa lui-même le roi légitime Childéric III, et ordonna aux Francs de reconnaître à jamais les descendants de Pepin pour leurs souverains[1].

On voit clairement par cette aventure ce que c’était que la loi des Francs, et dans quelle stupidité les peuples étaient ensevelis.

Charlemagne, fils de Pepin, tint plusieurs fameux parlements, qu’on appelait aussi conciles. Les assemblées de villes prirent le nom de parlement, et enfin les universités s’assemblèrent en parlement.

Il existe encore une ancienne charte d’un Raimond de Toulouse, rapportée dans Ducange, qui se termine par ces mots : « Fait à Toulouse, dans la maison commune, en parlement public. Actum Tolosæ, in domo communi, in publico parlamento. »

Dans une autre charte du Dauphiné, il est dit que l’université s’assembla en parlement au son de la cloche.

Ainsi le même mot est employé pour signifier des choses très-différentes. Ainsi diocèse, qui signifiait province de l’empire, a été depuis appliqué aux paroisses dirigées par un évêque. Ainsi empereur (imperator), mot qui ne désignait qu’un général d’armée, exprima depuis la dignité d’un souverain d’une partie de l’Europe, de l’Asie, et de l’Afrique. Ainsi le mot βασιλεὺς, rex, roi, a eu plusieurs acceptions différentes, et les noms et les choses ont subi les mêmes vicissitudes.

Lorsque Hugues Capet eut détrôné la race de Pepin, malgré les ordres des papes, tout tomba dans une confusion pire que sous les deux premières dynasties. Chaque seigneur s’était déjà emparé de ce qu’il avait pu, avec le même droit que Hugues s’était emparé de la dignité de roi. Toute la France était divisée en plusieurs seigneuries, et les seigneurs puissants réduisirent la plupart des villes en servitude. Les bourgeois ne furent plus bourgeois d’une ville, ils furent bourgeois du seigneur. Ceux qui rachetèrent leur

  1. Voyez le Grand Crime de Pepin le Bref, dissertation historique et critique sur l’usurpation et l’intronisation du chef de la seconde dynastie française, par G. Andry (M. Aimé Guillon de Montléon). Londres (Paris), 1800, in-8°, et aussi Preuve de la fidélité des Français à leurs rois légitimes lors du passage de la première à la seconde dynastie, résultant de l’examen de cette question encore indécise : « Est-il vrai que Pepin ait été autorisé par le pape Zacharie à s'emparer de la couronne des mérovingiens ? » par M. Aimé Guillon, 1817, in-8°. Voltaire parle encore de l’usurpation de Pepin, dans ses Annales de l’Empire (tome XIII, années 749, 750, 754). (B.)