Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/476

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
466
CHAPITRE VI.

guerre mortelle à Charles VI, qui se dit roi de France, et à son fils[1]. Ainsi, de tous les attentats commis en ce temps-là, le meurtre du duc de Bourgogne était le plus pardonnable.

Dès qu’on sut à Paris cet assassinat, presque tous les bourgeois et tous les corps, qui n’étaient pas du parti du dauphin, s’assemblèrent le jour même ; ils prirent l’écharpe rouge, qui était la couleur de Bourgogne. Le comte de Saint Paul, de la maison de Luxembourg, fit prêter serment dans l’Hôtel de ville aux principaux bourgeois de punir Charles, soi-disant dauphin. Le comte de Saint-Paul, le chancelier de Laitre, et plusieurs magistrats, allèrent, au nom de la ville, demander la protection du roi d’Angleterre Henri V, qui ravageait alors la France.

Morvilliers, l’un des présidents du parlement, fut député pour prier le nouveau duc, Philippe de Bourgogne, de venir dans Paris. La reine Isabelle de Bavière, ennemie dès longtemps de son fils, ne songea plus qu’à le déshériter. Elle profita de l’imbécillité de son mari pour lui faire signer ce fameux traité de Troyes par lequel Henri V, en épousant Catherine de France, était déclaré roi conjointement avec Charles VI, sous le vain nom de régent, et seul roi après la mort de Charles, qui ne reconnut que lui pour son fils. Et, par le XXIXe article, le roi promettait « de ne faire jamais aucun accord avec Charles, soi-disant dauphin de Vienne, sans l’assentiment des trois états des deux royaumes de France et d’Angleterre ».

Il faut s’arrêter un moment à cette clause, pour voir qu’en effet les trois états étaient le véritable parlement, puisque l’assemblée des états n’avait point d’autre nom en Angleterre.

Après ce traité, les deux rois et Philippe, duc de Bourgogne, arrivèrent à Paris le 1er novembre 1420. On représenta devant eux les mystères de la Passion dans les rues. Tous les capitaines des bourgeois vinrent prêter serment entre les mains du président Morvilliers de reconnaître le roi d’Angleterre. On convoqua le conseil du roi, les grands officiers de la couronne, et les officiers de la chambre du parlement, avec des députés de tous les autres corps, pour juger solennellement le dauphin ; on donna même à cette assemblée le nom d’états généraux pour la rendre plus auguste. Philippe de Bourgogne, la duchesse sa mère, Marguerite, duchesse de Guienne, et les princesses ses filles, furent les parties plaignantes.

  1. Voyez au chapitre LXXIX de l’Essai sur les Mœurs, la longue dissertation des éditeurs de Kehl sur la part qui revient en cela au duc d’Orléans.