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DE LA CONJURATION D’AMBOISE.


contre lui pour le condamner à perdre la vie ; mais n’en ayant pas assez contre le roi Antoine de Navarre, le cardinal de Lorraine résolut de le faire assassiner. Il y fit consentir le roi François II. On devait faire venir Antoine de Navarre dans la chambre du roi, ce jeune monarque devait lui faire des reproches, les témoins devaient s’écrier qu’Antoine manquait de respect au roi, et des assassins apostés devaient le tuer en présence du roi même.

Antoine, mandé dans la chambre de François II, fut averti à la porte, par un des siens, du complot formé contre sa vie. « Je ne puis reculer, dit-il ; je vous ordonne seulement, si vous m’aimez, de porter ma chemise sanglante à mon fils, qui lira un jour dans mon sang ce qu’il doit faire pour me venger. » François II n’osa pas commettre ce crime, il ne donna point le signal convenu.

On se contenta de procéder contre le prince de Condé. Il faut encore observer ici qu’on ne lui donna que des commissaires, le chancelier de L’Hospital, Christophe de Thou, président du parlement, père de l’historien, les conseillers Faye et Viole. Ils l’interrogèrent, et ils devaient le juger avec les seigneurs du conseil étroit du roi ; ainsi le duc de Guise lui-même devait être son juge. Tout était contre les lois dans ce procès. Le prince appelait en vain au roi ; en vain il représentait qu’il ne devait être jugé que par les pairs assemblés ; on déclarait ses appels mal fondés.

Le parlement, intimidé ou gagné par les Guises, ne fit aucune démarche. Le prince fut condamné à la pluralité des voix dans le conseil du roi, où l’on fit entrer le président Christophe de Thou et les deux conseillers du parlement.

François II se mourait alors ; tout allait changer ; le connétable de Montmorency était en chemin, et allait reprendre son autorité. L’amiral Coligny, neveu du connétable, s’avançait ; la reine mère, Catherine de Médicis, était incertaine et accablée ; le chancelier de L’Hospital ne voulait point signer l’arrêt ; les deux princes de Guise osèrent bien la presser de faire exécuter le prince de Condé déjà condamné, et le roi de Navarre son frère, à qui on pouvait faire le procès en un jour. Le chancelier de L’Hospital soutint la reine chancelante contre cette résolution désespérée. Elle prit un parti sage ; le roi son fils touchait à sa fin, elle profita des moments où elle était encore maîtresse de la vie des deux princes pour se réconcilier avec eux, et pour conserver son autorité malgré la maison de Lorraine. Elle exigea d’Antoine de Navarre un écrit par lequel il renonçait à la régence, et se l’assura à elle-même dans son cabinet, sans consulter ni le conseil, ni les