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DES LOIS DU CHANCELIER DE L'HOSPITAL.


Le chancelier de L’Hospital était presque le seul homme du conseil qui voulût la paix. À peine avait-il donné un édit de pacification que les prédicateurs catholiques et protestants prêchaient le meurtre dans plusieurs provinces, et criaient aux armes.

L’Hospital, pour dernière ressource, imagina de faire voyager le jeune roi Charles IX dans toutes les provinces de son royaume. On le montra de ville en ville comme celui qui devait guérir tant de maux. À peine avait-on de quoi subvenir aux frais de ce voyage ; l’agriculture était négligée, presque toutes les manufactures étaient tombées, la France était aussi pauvre que turbulente.

Ce fut dans ce voyage que le législateur L’Hospital fit la célèbre ordonnance de Moulins, en 1566. On vit les plus sages lois naître des plus grands troubles. Il venait d’établir la juridiction consulaire à Paris et dans plusieurs villes, et par là il abrégeait des procédures ruineuses, qui étaient un des malheurs des peuples. L’édit de Moulins ordonne la frugalité et la modestie dans les vêtements, que la pauvreté publique ordonnait assez, et que le luxe des grands n’observait guère.

C’est depuis cette ordonnance qu’il n’est plus permis de redemander en justice des créances au-dessus cent livres, sans produire des billets ou des contrats. L’usage contraire n’avait été établi que par l’ignorance des peuples, chez qui l’art d’écrire était très-rare. Les anciennes substitutions faites à l’infini furent limitées au quatrième degré. Toutes les donations furent enregistrées au greffe le plus voisin pour avoir une authenticité certaine.

Les mères qui se remariaient n’eurent plus le pouvoir de donner leurs biens à leur second mari. La plupart de ces utiles règlements sont encore en vigueur. Il y en eut un plus salutaire que tous les autres, qui n’essuya que les murmures publics : ce fut l’abolissement des confréries. La superstition les avait établies chez les bourgeois, la débauche les conservait ; on faisait des processions en faveur d’un saint dont on portait l’image grossière au bout d’un bâton ; après quoi on s’enivrait, et la fureur de l’ivresse redoublait celle des factions[1].

Ces confréries servirent beaucoup à former la Ligue, dont le cardinal de Lorraine avait fait dès longtemps le projet.

Cet article et quelques autres empêchèrent le parlement de Paris d’enregistrer l’édit de Moulins; mais, après deux remontrances, il fut vérifié le 23 décembre 1566.

  1. 1566. (Note de Voltaire)