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HENRI IV RECONNU DANS PARIS.


un roi à peine réuni à l'Église dominante, Henri ne pouvait être sacré à Reims, cette ville était possédée encore par ses ennemis. On proposa Chartres. On fit voir que ni Pépin, ni Charlemagne, ni Robert, fils de Hugues Capet, tige de la maison régnante, ni Louis le Gros, ni plusieurs autres rois, n'avaient été sacrés à Reims. La bouteille d'huile nommée sainte-ampoule, révérée des peuples, faisait naître quelque difficulté. Il fut aisé de prouver que si un ange avait apporté cette bouteille d'huile du haut du ciel, saint Remi n'en avait jamais parlé ; que Grégoire de Tours, qui rapporte tant de miracles, avait gardé le silence sur cette ampoule[1]. S'il fallait absolument de l'huile apportée par un ange, on en avait une bonne fiole à Tours, et cette fiole valait bien mieux que celle de Reims, parce que longtemps avant le baptême de Clovis[2] un ange l'avait apportée pour guérir saint Martin d'un rhumatisme. Enfin l'ampoule de Reims n'avait été donnée que pour le baptême de Clovis, et non pour le sacre. On emprunta donc la fiole de Tours. Nicolas de Thou, évêque de Chartres, oncle de l'historien, eut l'honneur de sacrer le plus grand roi qui ait gouverné la France, et le seul de sa race à qui les Français aient disputé sa couronne.



CHAPITRE XXXV.


HENRI IV RECONNU DANS PARIS.


Henri IV, converti et sacré, n'en était pas plus maître de Paris ni de tant d'autres villes occupées par les chefs de la Ligue. C'était beaucoup d'avoir levé l'obstacle et détruit le préjugé des citoyens catholiques qui haïssaient sa religion, et non sa personne. C'était encore plus d'avoir réussi par son changement à diviser les états ; mais sa conversion ni son onction ne lui donnaient ni troupes ni argent.

Le légat du pape, le cardinal Pollevé, tous les autres prélats

  1. Voyez Essai sur les Mœurs, chapitre XIII et XLII, tome XI, pages 249 et 365.
  2. De Thou, livre CVIII. (Note de Voltaire.)