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CHAPITRE XXXVI.


solennel qui fut exécuté dans tout le ressort de Paris, et dans celui de Rouen et de Dijon. Cette exécution ne devait pas plaire au pape, que du Perron et d’Ossat sollicitaient alors de donner au roi cette absolution si longtemps refusée ; mais ce prince remportait tous les jours de si grands avantages, et commençait à réunir avec tant de prudence les membres de la France déchirée, que le pape ne pouvait plus être inflexible. D’Ossat lui mandait : « Faites bien vos affaires de par-delà, et je vous réponds de celles de par-deçà. » Henri IV suivait parfaitement ce conseil. Clément VIII pourtant mettait d’abord, à la prétendue grâce qu’il faisait, des conditions qu’il était impossible d’accepter. Il voulait que le roi fît serment de renoncer à tous ses droits à la couronne, si jamais il retombait dans l’erreur, et de faire la guerre aux Turcs au lieu de la faire à Philippe II. Ces deux propositions extravagantes furent rejetées, et enfin le pape se borna à exiger qu’il réciterait son chapelet tous les jours, les litanies le mercredi, et le rosaire de la vierge Marie le samedi.

Clément prétendit encore insérer dans sa bulle que « le roi, en vertu de l’absolution papale, était réhabilité dans ses droits au royaume ». Cette clause qu’on glissait adroitement dans l’acte était plus sérieuse que l’injonction de réciter le rosaire.

D’Ossat, qui ne manqua pas de s’en apercevoir, fit réformer la bulle : mais ni lui ni du Perron ne purent se soustraire à la cérémonie de s’étendre le ventre à terre, et de recevoir des coups de baguettes sur le dos au nom du roi, pendant qu’on chantait le Miserere. La fatalité des événements avait mis aux pieds d’un autre pape un autre Henri IV, il y avait plus de cinq cents ans.

L’empereur Henri IV, ressemblant en beaucoup de choses au roi de France, valeureux, galant, entreprenant, et sachant plier comme lui, s’était vu dans une posture encore plus humiliante : il s’était prosterné, pieds nus et couvert d’un cilice, aux genoux de Grégoire VII[1]. L’un et l’autre prince furent la victime de la superstition, et moururent de la manière la plus déplorable.

    première édition des Mémoires de Sully, arrangés par L’Écluse, est de 1745, 3 volumes in-4°, ou 8 volumes in-12. Ce n’est pas l’ouvrage de Sully. L’Écluse a mis à la troisième personne le récit qui était à la seconde, et dont la lecture, il faut l’avouer, est très-fatigante. On ne réimprime plus que le travail de L’Écluse, qui a changé le fond tout aussi bien que la forme ; mais pour juger le travail de Sully, c’est dans sa forme primitive qu’il faut le lire ; ces éditions sont intitulées Mémoires des sages et royalles œconomies d’Estat. (B.)

  1. Voyez, tome XIII, les Annales de l’Empire, année 1077.