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LIVRE DEUXIÈME.


pour l’obliger à faire la paix, qu’il n’avait qu’à se résoudre à rendre justice au duc de Holstein, ou à voir Copenhague détruite, et son royaume mis à feu et à sang. Le Danois était trop heureux d’avoir affaire à un vainqueur qui se piquait de justice. On assembla un congrès dans la ville de Travendal, sur les frontières du Holstein. Le roi de Suède ne souffrit pas que l’art des ministres traînât les négociations en longueur : il voulut que le traité s’achevât aussi rapidement qu’il était descendu en Séeland. Effectivement il fut conclu le 5 d’août, à l’avantage du duc de Holstein, qui fut indemnisé de tous les frais de la guerre, et délivré d’oppression. Le roi de Suède ne voulut rien pour lui-même, satisfait d’avoir secouru son allié et humilié son ennemi. Ainsi Charles XII, à dix-huit ans, commença et finit cette guerre en moins de six semaines.

Précisément dans le même temps, le roi de Pologne investissait la ville de Riga, capitale de la Livonie, et le czar s’avançait du côté de l’orient, à la tête de près de cent mille hommes. Riga était défendue par le vieux comte Dahlberg, général suédois, qui, à l’âge de quatre-vingts ans, joignait le feu d’un jeune homme à l’expérience de soixante campagnes. Le comte Flemming, depuis ministre de Pologne, grand homme de guerre et de cabinet, et le Livonien Patkul, pressaient tous deux le siége sous les yeux du roi[1] ; mais, malgré plusieurs avantages que les assiégeants avaient remportés, l’expérience du vieux comte Dahlberg rendait inutiles leurs efforts, et le roi de Pologne désespérait de prendre la ville. Il saisit enfin une occasion honorable de lever le siége. Riga était pleine de marchandises appartenantes aux Hollandais. Les États-Généraux ordonnèrent à leur ambassadeur auprès du roi Auguste de lui faire sur cela des représentations. Le roi de Pologne ne se fit pas longtemps prier. Il consentit à lever le siége plutôt que de causer le moindre dommage à ses alliés, qui ne furent point étonnés de cet excès de complaisance, dont ils surent la véritable cause.

Il ne restait donc plus à Charles XII, pour achever sa première campagne, que de marcher contre son rival de gloire, Pierre Alexiowitz. Il était d’autant plus animé contre lui qu’il y avait encore à Stockholm trois ambassadeurs moscovites qui venaient de jurer le renouvellement d’une paix inviolable. Il ne pouvait comprendre, lui qui se piquait d’une probité sévère, qu’un législateur comme le czar se fît un jeu de ce qui doit être si sacré.

  1. Variante : « L’un avec toute l’activité de son caractère, l’autre avec l’opiniâtreté de la vengeance. »