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OBSÈQUES DE HENRI IV.


droits. On délibéra pour la forme, on déclara la reine régente. Il n’y eut que trois heures entre le meurtre du roi et cet arrêt.

Dès le lendemain, le jeune roi Louis XIII, âgé de huit ans et neuf mois, vint tenir aux mêmes Augustins, avec sa mère, ce qu’on appelle un lit de justice. Deux princes du sang, quatre pairs laïques et trois maréchaux de France étaient à droite du roi sur les hauts siéges ; à gauche, quatre cardinaux et quatre évêques. Le parlement était sur les bas siéges, selon l’usage des lits de justice. Ce ne fut qu’une cérémonie.

Les grands desseins de Henri IV, la gloire et le bonheur des Français, périrent avec lui. Ses trésors furent bientôt dissipés, et la paix dont il avait fait jouir ses sujets fut changée en guerre civile.

La France fut livrée au Florentin Concini, et à Galigaï, sa femme, qui gouvernait la reine. Le parlement, après avoir donné la régence, ne fut consulté sur rien : c’était un meuble dont on s’était servi pour un appareil éclatant, et qu’on renfermait ensuite. Il remplit son devoir en condamnant tous les livres ultramontains qui contenaient ces folles opinions de l’autorité du pape sur les rois, et ces maximes affreuses qui avaient mis le couteau à la main de tant de parricides ; livres aujourd’hui en horreur à toute la nation, et aussi ennuyeux qu’exécrables.



CHAPITRE XLV.
OBSÈQUES DU GRAND HENRI.

C’est un usage de ne célébrer les funérailles des rois de France que quarante jours après leur mort. Le corps embaumé est enfermé dans un cercueil de plomb, sur lequel on élève une figure de cire qui le représente au naturel autant qu’on le peut. Vis-à-vis cette figure on sert la table royale à l’heure ordinaire des repas, et les viandes sont abandonnées aux pauvres. Des prêtres jour et nuit chantent des prières autour de l’image. Cette coutume est venue d’Asie dans nos climats. Il faut remonter jusqu’aux anciens rois de Perse pour en apercevoir l’origine ; elle est rarement observée. Les dépenses qu’elle exige sont trop fortes