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HISTOIRE DE CHARLES XII.


voulaient la paix ou la guerre, et pareil terme aux princes de Sapieha, les premiers auteurs des troubles de Lithuanie, pour venir demander pardon au roi de Pologne.

Mais durant ces délibérations, Charles XII, guéri de sa blessure, renversait tout devant lui. Toujours ferme dans le dessein de forcer les Polonais à détrôner eux-mêmes leur roi, il fit convoquer, par les intrigues du cardinal primat, une nouvelle assemblée à Varsovie, pour l’opposer à celle de Lublin. Ses généraux lui représentaient que cette affaire pourrait encore avoir des longueurs, et s’évanouir dans des délais ; que pendant ce temps les Moscovites s’aguerrissaient tous les jours contre les troupes qu’il avait laissées en Livonie et en Ingrie ; que les combats qui se donnaient souvent dans ces provinces entre les Suédois et les Russes n’étaient pas toujours à l’avantage des premiers, et qu’enfin sa présence y serait peut-être bientôt nécessaire. Charles, aussi inébranlable dans ses projets que vif dans ses actions, leur répondit : « Quand je devrais rester ici cinquante ans, je n’en sortirai point que je n’aie détrôné le roi de Pologne. »

Il laissa l’assemblée de Varsovie combattre par des discours et par des écrits celle de Lublin, et chercher de quoi justifier ses procédés dans les lois du royaume ; lois toujours équivoques, que chaque parti interprète à son gré, et que le succès seul rend incontestables. Pour lui, ayant augmenté ses troupes victorieuses de six mille hommes de cavalerie, et de huit mille d’infanterie, qu’il reçut de Suède, il marcha contre les restes de l’armée saxonne, qu’il avait battue à Clissau, et qui avait eu le temps de se rallier et de se grossir pendant que sa chute de cheval l’avait retenu au lit. Cette armée évitait ses approches, et se retirait vers la Prusse, au nord-ouest de Varsovie. La rivière de Bug était entre lui et les ennemis. Charles passa à la nage, à la tête de sa cavalerie ; l’infanterie alla chercher un gué au-dessus. (1er mai 1703) On arrive aux Saxons dans un lieu nommé Pultesh. Le général Stenau les commandait au nombre d’environ dix mille. Le roi de Suède, dans sa marche précipitée, n’en avait pas amené davantage, sûr qu’un moindre nombre lui suffisait. La terreur de ses armes était si grande que la moitié de l’armée saxonne s’enfuit à son approche sans rendre de combat. Le général Stenau fit ferme un moment avec deux régiments : le moment d’après il fut lui-même entraîné dans la fuite générale de son armée, qui se dispersa avant d’être vaincue. Les Suédois ne firent pas mille prisonniers, et ne tuèrent pas six cents hommes, ayant plus de peine à les poursuivre qu’à les défaire.

Auguste, à qui il ne restait plus que les débris de ses Saxons,