s’acquitter de sa commission, accompagné d’un janissaire, avec la permission du bacha. Il trouva à quelques milles le gros de soldats qui conduisait Stanislas : il s’adressa au milieu d’eux à un cavalier vêtu à la française et assez mal monté, et lui demanda en allemand où était le roi de Pologne. Celui à qui il parla était Stanislas lui-même, qu’il n’avait pas reconnu sous ce déguisement. « Hé quoi ! lui dit le roi, ne vous souvenez-vous donc plus de moi ? » Alors Fabrice lui apprit le triste état où était le roi de Suède, et la fermeté inébranlable, mais inutile, de ses desseins.
Quand Stanislas fut près de Bender, le bacha, qui revenait après avoir accompagné Charles XII quelques milles, envoya au roi polonais un cheval arabe avec un harnais magnifique.
Il fut reçu dans Bender au bruit de l’artillerie, et, à la liberté près qu’il n’eut pas d’abord, il n’eut point à se plaindre du traitement qu’on lui fit[1]. Cependant on conduisait Charles sur le chemin d’Andrinople. Cette ville était déjà remplie du bruit de son combat. Les Turcs le condamnaient et l’admiraient ; mais le divan irrité, menaçait déjà de le reléguer dans une île de l’Archipel.
Le roi de Pologne Stanislas, qui m’a fait l’honneur de m’apprendre la plupart de ces particularités, m’a confirmé aussi qu’il fut proposé dans le divan de le confiner lui-même dans une île de la Grèce ; mais, quelques mois après, le Grand Seigneur, adouci, le laissa partir[2].
M. Désaleurs, qui aurait pu prendre le parti de Charles et empêcher qu’on ne fît cet affront aux rois chrétiens, était à Constantinople, aussi bien que M. Poniatowski, dont on craignait toujours le génie fécond en ressources. La plupart des Suédois restés dans Andrinople étaient en prison ; le trône du sultan paraissait inaccessible de tous côtés aux plaintes du roi de Suède.
Le marquis de Fierville, envoyé secrètement de la part de la France[3] auprès de Charles à Bender, était pour lors à Andrinople. Il osa imaginer de rendre service à ce prince dans le temps que tout l’abandonnait ou l’opprimait. Il fut heureusement secondé dans ce dessein par un gentilhomme français d’une ancienne maison de Champagne, nommé de Villelongue,
- ↑ Le bon chapelain Nordberg prétend qu’on se contredit ici en disant que le roi Stanislas fut retenu en prisonnier et servi en roi dans Bender. Comment ce pauvre homme ne voyait-il pas qu’on peut être à la fois honoré et prisonnier ? (Note de Voltaire.)
- ↑ Alinéa postérieur aux premières éditions.
- ↑ Sur les affaires de France à cette époque, consultez les chapitres XXII et XXIII du Siècle de Louis XIV, tome XIV.