avaient rempli la Poméranie de leurs cruautés, dévasté cette belle province, et vendu près de cent mille habitants aux Turcs ; que les flambeaux qui avaient mis Altena en cendres étaient les représailles des boulets rouges par qui Stade avait été consumée ».
C’était avec cette fureur que les Suédois et leurs ennemis se faisaient la guerre. Si Charles XII avait paru alors dans la Poméranie, il est à croire qu’il eût pu retrouver sa première fortune. Ses armées, quoique éloignées de sa présence, étaient encore animées de son esprit ; mais l’absence du chef est toujours dangereuse aux affaires, et empêche qu’on ne profite des victoires. Stenbock perdit par les détails ce qu’il avait gagné par des actions signalées qui en un autre temps auraient été décisives.
Tout vainqueur qu’il était, il ne put empêcher les Moscovites, les Saxons et les Danois de se réunir. On lui enleva des quartiers : il perdit du monde dans plusieurs escarmouches ; deux mille hommes de ses troupes se noyèrent en passant l’Eider pour aller hiverner dans le Holstein. Toutes ces pertes étaient sans ressource dans un pays où il était entouré de tous côtés d’ennemis puissants[1].
Il voulut défendre le pays du Holstein contre le Danemark ; mais, malgré ses ruses et ses efforts, le pays fut perdu, toute l’armée fut détruite, et Stenbock fut prisonnier.
La Poméranie sans défense, à la réserve de Stralsund, de l’île de Rugen et de quelques lieux circonvoisins, devint la proie des alliés. Elle fut séquestrée entre les mains du roi de Prusse. Les États de Brême furent remplis de garnisons danoises. Au même temps les Russes inondaient la Finlande, et y battaient les Suédois, que la confiance abandonnait et qui, étant inférieurs en nombre, commençaient à n’avoir plus sur leurs ennemis aguerris la supériorité de la valeur.
Pour achever les malheurs de la Suède, son roi s’obstinait à rester à Démotica, et se repaissait encore de l’espérance de ce secours turc sur lequel il ne devait plus compter,
Ibrahim Molla, ce vizir si fier, qui s’obstinait à la guerre contre les Moscovites malgré les vues du favori, fut étranglé entre deux portes. La place de vizir était devenue si dangereuse que personne n’osait l’occuper : elle demeura vacante pendant six mois. Enfin le favori Ali Coumourgi prit le titre de grand vizir. Alors toutes les espérances du roi de Suède tombèrent. Il connaissait Coumourgi, d’autant mieux qu’il en avait été servi quand les intérêts de ce favori s’accordaient avec les siens.
- ↑ Cet alinéa est l’abrégé d’un long morceau que Voltaire retrancha.