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LIVRE HUITIÈME.


avoir semé. Osterman craignait que l’empereur son maître, ébloui par l’éclat de cette entreprise, n’accordât à la Suède une paix trop avantageuse ; il retardait par ses longueurs et par ses obstacles la conclusion de cette affaire.

Heureusement pour le baron de Görtz, le czar lui-même vint en Hollande au commencement de 1717. Son dessein était de passer ensuite en France : il lui manquait d’avoir vu cette nation célèbre, qui est depuis plus de cent ans censurée, enviée, et imitée par tous ses voisins ; il voulait y satisfaire sa curiosité insatiable de voir et d’apprendre, et exercer en même temps sa politique.

Görtz vit deux fois à la Haye cet empereur ; il avança plus dans ces deux conférences qu’il n’eût fait en six mois avec des plénipotentiaires. Tout prenait un tour favorable : ses grands desseins paraissaient couverts d’un secret impénétrable ; il se flattait que l’Europe ne les apprendrait que par l’exécution. Il ne parlait cependant à la Haye que de paix : il disait hautement qu’il voulait regarder le roi d’Angleterre comme le pacificateur du Nord ; il pressait même en apparence la tenue d’un congrès à Brunsvick, où les intérêts de la Suède et de ses ennemis devaient être décidés à l’amiable.

Le premier qui découvrit ces intrigues fut le duc d’Orléans, régent de France ; il avait des espions dans toute l’Europe. Ce genre d’hommes, dont le métier est de vendre le secret de leurs amis, et qui subsiste de délations, et souvent même de calomnies, s’était tellement multiplié en France sous son gouvernement que la moitié de la nation était devenue l’espion de l’autre. Le duc d’Orléans, lié avec le roi d’Angleterre par des engagements personnels, lui découvrit les menées qui se tramaient contre lui.

Dans le même temps les Hollandais, qui prenaient des ombrages de la conduite de Görtz, communiquèrent leurs soupçons au ministre anglais. Görtz et Gyllenborg poursuivaient leurs desseins avec chaleur, lorsqu’ils furent arrêtés tous deux, l’un à Deventer en Gueldre, et l’autre à Londres.

Comme Gyllenborg, ambassadeur de Suède, avait violé le droit des gens en conspirant contre le prince auprès duquel il était envoyé, on viola sans scrupule le même droit en sa personne. Mais on s’étonna que les États-Généraux, par une complaisance inouïe pour le roi d’Angleterre, missent en prison le baron de Görtz. Ils chargèrent même le comte de Welderen de l’interroger. Cette formalité ne fut qu’un outrage de plus, lequel devenant inutile ne tourna qu’à leur confusion. Görtz demanda au