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PREMIÈRE PARTIE. — CHAPITRE XIV.


seaux, d’abandonner leurs morts, et de laisser trois cents prisonniers.

Cependant leur flotte restait toujours dans ces parages, et menaçait Pétersbourg, Ils firent encore une descente, et furent repoussés de même ; des troupes de terre avançaient de Vibourg, sous le général suédois Meidel ; elles marchaient du côté de Schlusselbourg : c’était la plus grande entreprise qu’eût encore faite Charles XII sur les États que Pierre avait conquis ou créés. Les Suédois furent repoussés partout[1], et Pétersbourg resta tranquille.

Pierre, de son côté, avançait vers la Courlande, et voulait pénétrer jusqu’à Riga. Son plan était de prendre la Livonie, tandis que Charles XII achevait de soumettre la Pologne au nouveau roi qu’il lui avait donné. Le czar était encore à Vilna en Lithuanie, et son maréchal Sheremetof s’approchait de Mittau, capitale de la Courlande ; mais il y trouva le général Levenhaupt, déjà célèbre par plus d’une victoire. Il se donna une bataille rangée dans un lieu appelé Gémavershof, ou Gémavers.

Dans ces affaires, où l’expérience et la discipline prévalent, les Suédois, quoique inférieurs en nombre, avaient toujours l’avantage : les Russes furent entièrement défaits, toute leur artillerie prise[2]. Pierre, après trois batailles ainsi perdues, à Gémavers, à Jacobstadt, à Narva, réparait toujours ses pertes, et en tirait même avantage.

Il marche en forces en Courlande, après la journée de Gémavers : il arrive devant Mittau, s’empare de la ville, assiége la citadelle, et y entre par capitulation[3].

Les troupes russes avaient alors la réputation de signaler leurs succès par les pillages, coutume trop ancienne chez toutes les nations. Pierre avait, à la prise de Narva, tellement changé cet usage que les soldats russes commandés pour garder, dans le château de Mittau, les caveaux où étaient inhumés les grands-ducs de Courlande, voyant que les corps avaient été tirés de leurs tombeaux et dépouillés de leurs ornements, refusèrent d’en prendre possession, et exigèrent auparavant qu’on fît venir un colonel suédois reconnaître l’état des lieux : il en vint un en effet, qui leur délivra un certificat par lequel il avouait que les Suédois étaient les auteurs de ce désordre.

Le bruit qui avait couru dans tout l’empire que le czar avait

  1. 25 juin. (Note de Voltaire.)
  2. 28 juillet. (Id.)
  3. 14 septembre. (Id.)