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PREMIÈRE PARTIE. — CHAPITRE XIX.


laume III, avait arrêté, en 1695, le maréchal de Boufflers, malgré la capitulation de Namur. Il y a plusieurs exemples de ces violations, et il serait à souhaiter qu’il n’y en eût point[1].

Après la prise de cette capitale, le siége de Riga devint bientôt un siége régulier, poussé avec vivacité : il fallait rompre les glaces dans la rivière de Duina, qui baigne au nord les murs de la ville. La contagion, qui désolait depuis quelque temps ces climats, se mit dans l’armée assiégeante, et lui enleva neuf mille hommes ; cependant le siége ne fut point ralenti ; il fut long, et la garnison obtint les honneurs de la guerre : mais on stipula dans la capitulation[2] que tous les officiers et soldats livoniens resteraient au service de la Russie, comme citoyens d’un pays qui en avait été démembré, et que les ancêtres de Charles XII avaient usurpé ; les priviléges dont son père avait dépouillé des Livoniens leur furent rendus, et tous les officiers entrèrent au service du czar : c’était la plus noble vengeance qu’il pût prendre du meurtre du Livonien Patkul, son ambassadeur, condamné pour avoir défendu ces mêmes priviléges. La garnison était composée d’environ cinq mille hommes. Peu de temps après, la citadelle de Pennamunde fut prise ; on trouva, tant dans la ville que dans ce fort, plus de huit cents bouches à feu.

Il manquait, pour être entièrement maître de la Carélie, la forte ville de Kexholm, sur le lac Ladoga, située dans une île, et qu’on regardait comme imprenable ; elle fut bombardée quelque temps après[3], et bientôt rendue[4]. L’île d’Oesel, dans la mer qui borde le nord de la Livonie, fut soumise avec la même rapidité.

Du côté de l’Estonie, province de la Livonie, vers le septentrion, et sur le golfe de Finlande, sont les villes de Pernau et de Revel ; si on en était maître, la conquête de la Livonie était achevée. Pernau se rendit après un siége de peu de jours[5], et Revel se soumit[6] sans qu’on tirât contre la ville un seul coup de canon ; mais les assiégés trouvèrent le moyen d’échapper au vainqueur dans le temps même qu’ils se rendaient prisonniers de guerre : quelques vaisseaux de Suède abordèrent à la rade pendant la nuit ; la garnison s’embarqua, ainsi que la plupart des bourgeois ; et les assiégeants, en

  1. On voit que Voltaire est encore bien embarrassé ici pour excuser la perfidie de Pierre.
  2. 15 juillet. (Note de Voltaire.)
  3. 19 septembre, (Id.)
  4. 23 septembre. (Id.)
  5. 25 août. (Id.)
  6. 10 septembre. (Id.)