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DES BARRICADES, GUERRE DE LA FRONDE.
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domestiques du roi et des siens, à diminuer jusqu’à la dépense de la nourriture[1]. Il fallut encore que plusieurs personnes de la cour lui prêtassent de l’argent.

Dans cette extrémité, le cardinal Mazarin, qui ne se raidissait pas contre les difficultés comme Richelieu, lui conseilla de mener une seconde fois le roi son fils au parlement, pour accorder tout ce que l’état présent des affaires ne permettait pas de refuser.

Ce lit de justice[2] ne réussit pas mieux que le reste. L’avocat général Talon eut beau dire au jeune roi a qu’il fît réflexion sur la diversion naturelle des maisons célestes, sur l’opposition des astres et des aspects contraires qui composent la beauté de la milice supérieure » ; le chancelier ayant accordé de la part du roi plus qu’on ne demandait, et défendu seulement les assemblées des chambres, qui ne devaient pas se faire sans la permission de la cour, on s’assembla dès le lendemain.

Cette obstination fut d’autant plus douloureuse pour la reine que, dans ce temps-là même, la fille de Henri IV, femme de Charles Ier, roi d’Angleterre, se réfugiait en France avec ses enfants, et que le parlement d’Angleterre préparait l’échafaud sur lequel Charles Ier porta sa tête. Ce nom seul du parlement troublait le cœur d’Anne d’Autriche, quoique le tribunal de Paris appelé parlement n’eût rien de commun avec le parlement d’Angleterre. Le chagrin la rendit malade, et le peuple n’eut point pitié d’elle.



CHAPITRE LVI.

DES BARRICADES, ET DE LA GUERRE DE LA FRONDE.

Non-seulement le brigandage des finances avait irrité les tribunaux et les citoyens, mais on était ulcéré de ces emprisonnements et de ces exils, armes de vengeance que les ministres employaient contre leurs ennemis au mépris des lois du royaume. On ne s’en était pas servi sous le gouvernement sage et ferme du

  1. Motteville. (Note de Voltaire.)
  2. 31 juillet 1648. (Id.)