qu’en guerrier. Dès lors il n’agit plus que mollement contre la Suède ; et Charles XII, malheureux partout en Allemagne, résolut, par un de ces coups désespérés que le succès seul peut justifier, d’aller porter la guerre en Norvége.
Le czar cependant voulut faire en Europe un second voyage. Il avait fait le premier en homme qui s’était voulu instruire des arts ; il fit le second en prince qui cherchait à pénétrer le secret de toutes les cours. Il mena sa femme à Copenhague, à Lubeck, à Schwerin, à Neustadt ; il vit le roi de Prusse dans la petite ville d’Aversberg ; de là ils passèrent à Hambourg, à cette ville d’Altena que les Suédois avaient brûlée, et qu’on rebâtissait. Descendant l’Elbe jusqu’à Stade, ils passèrent par Brême, où le magistrat[1] donna un feu d’artifice et une illumination dont le dessin formait en cent endroits ces mots : Notre libérateur vient nous voir. Enfin il revit Amsterdam, et cette petite chaumière de Sardam, où il avait appris l’art de la construction des vaisseaux, il y avait environ dix-huit années : il trouva cette chaumière changée en une maison agréable et commode qui subsiste encore, et qu’on nomme la maison du prince.
On peut juger avec quelle idolâtrie il fut reçu par un peuple de commerçants et de gens de mer dont il avait été le compagnon ; ils croyaient voir dans le vainqueur de Pultava leur élève, qui avait fondé chez lui le commerce et la marine, et qui avait appris chez eux à gagner des batailles navales : ils le regardaient comme un de leurs concitoyens devenu empereur.
Il paraît, dans la vie, dans les voyages, dans les actions de Pierre le Grand, comme dans celles de Charles XII, que tout est éloigné de nos mœurs, peut-être un peu trop efféminées, et c’est par cela même que l’histoire de ces deux hommes célèbres excite tant notre curiosité.
L’épouse du czar était demeurée à Schwerin, malade, fort avancée de sa nouvelle grossesse ; cependant, dès qu’elle put se mettre en route, elle voulut aller trouver le czar en Hollande : les douleurs la surprirent à Vésel, où elle accoucha[2] d’un prince qui ne vécut qu’un jour. Il n’est pas dans nos usages qu’une femme malade voyage immédiatement après ses couches : la czarine, au bout de dix jours, arriva dans Amsterdam ; elle voulut voir cette chaumière de Sardam, dans laquelle le czar avait travaillé de ses mains. Tous deux allèrent sans appareil, sans suite, avec deux domes-