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AROT ET MAROT, ET ALCORAN.

Grotius[1] reproche à Mahomet d’avoir imaginé que Jésus avait été enlevé au ciel, au lieu de souffrir le supplice. Il ne songe pas que ce sont des communions entières des premiers chrétiens hérétiques qui répandirent cette opinion, conservée dans la Syrie et dans l’Arabie jusqu’à Mahomet.

Combien de fois a-t-on répété que Mahomet avait accoutumé un pigeon à venir manger du grain dans son oreille, et qu’il faisait accroire à ses sectateurs que ce pigeon venait lui parler de la part de Dieu ?

N’est-ce pas assez que nous soyons persuadés de la fausseté de sa secte, et que la foi nous ait invinciblement convaincus de la vérité de la nôtre, sans que nous perdions notre temps à calomnier les mahométans, qui sont établis du mont Caucase au mont Atlas, et des confins de l’Épire aux extrémités de l’Inde ? Nous écrivons sans cesse de mauvais livres contre eux, et ils n’en savent rien. Nous crions que leur religion n’a été embrassée par tant de peuples que parce qu’elle flatte les sens. Où est donc la sensualité qui ordonne l’abstinence du vin et des liqueurs dont nous faisons tant d’excès, qui prononce l’ordre indispensable de donner tous les ans aux pauvres deux et demi pour cent de son revenu, de jeûner avec la plus grande rigueur, de souffrir dans les premiers temps de la puberté une opération douloureuse, de faire au milieu des sables arides un pèlerinage qui est quelquefois de cinq cents lieues, et de prier Dieu cinq fois par jour, même en faisant la guerre ?

Mais, dit-on, il leur est permis d’avoir quatre épouses dans ce monde, et ils auront dans l’autre des femmes célestes. Grotius dit en propres mots : « Il faut avoir reçu une grande mesure de l’esprit d’étourdissement pour admettre des rêveries aussi grossières et aussi sales. »

Nous convenons avec Grotius que les mahométans ont prodigué des rêveries. Un homme qui recevait continuellement les chapitres de son Koran des mains de l’ange Gabriel était pis qu’un rêveur : c’était un imposteur, qui soutenait ses séductions par son courage. Mais certainement il n’y avait rien ni d’étourdi, ni de sale, à réduire au nombre de quatre le nombre indéterminé de femmes que les princes, les satrapes, les nababs, les omras de l’Orient, nourrissaient dans leurs sérails. Il est dit que Salomon avait sept cents femmes et trois cents concubines. Les Arabes, les Juifs, pouvaient épouser les deux sœurs ; Mahomet

  1. De Veritate religionis, livre VI, chapitre iii.