me sens intéressé et attendri ; ma curiosité est excitée par les seuls vers que prononce un simple officier d’Agamemnon, vers harmonieux, vers charmants, vers tels qu’aucun poëte n’en faisait alors.
À peine un faible jour vous éclaire et me guide :
Vos yeux seuls et les miens sont ouverts dans l’Aulide.
Auriez-vous dans les airs entendu quelque bruit ?
Les vents nous auraient-ils exaucés cette nuit ?
Mais tout dort, et l’armée, et les vents, et Neptune.
(Acte I, scène i.)
Agamemnon, plongé dans la douleur, ne répond point à Arcas, ne l’entend point ; il se dit à lui-même en soupirant :
Heureux qui, satisfait de son humble fortune,
Libre du joug superbe où je suis attaché,
Vit dans l’état obscur où les dieux l’ont caché.
(Acte I, scène i.)
Quels sentiments ! quels vers heureux ! quelle voix de la nature !
Je ne puis m’empêcher de m’interrompre un moment pour apprendre aux nations qu’un juge d’Écosse[1] qui a bien voulu donner des règles de poésie et de goût à son pays, déclare dans son chapitre xxi, Des Narrations et des Descriptions, qu’il n’aime point ce vers :
Mais tout dort, et l’armée, et les vents, et Neptune.
S’il avait su que ce vers était imité d’Euripide, il lui aurait peut-être fait grâce ; mais il aime mieux la réponse du soldat dans la première scène de Hamlet :
Je n’ai pas entendu une souris trotter.
- ↑ Henry Home ; Voltaire en a déjà parlé dans un de ses articles à la Gazette littéraire, en 1764 ; et dans une note de l’Homme aux quarante écus, chapitre dernier.