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ATHÉISME.

il est presque toujours fatal à la vertu. Ajoutons surtout qu’il y a moins d’athées aujourd’hui que jamais, depuis que les philosophes ont reconnu qu’il n’y a aucun être végétant sans germe, aucun germe sans dessein, etc., et que le blé ne vient point de pourriture.

Des géomètres non philosophes ont rejeté les causes finales, mais les vrais philosophes les admettent ; et, comme l’a dit un auteur connu[1], un catéchiste annonce Dieu aux enfants, et Newton le démontre aux sages[2].

S’il y a des athées, à qui doit-on s’en prendre, sinon aux tyrans mercenaires des âmes, qui, en nous révoltant contre leurs fourberies, forcent quelques esprits faibles à nier le Dieu que ces monstres déshonorent ? Combien de fois les sangsues du peuple ont-elles porté les citoyens accablés jusqu’à se révolter contre leur roi[3] !

Des hommes engraissés de notre substance nous crient : Soyez persuadés qu’une ânesse a parlé ; croyez qu’un poisson a avalé un homme et l’a rendu, au bout de trois jours, sain et gaillard sur le rivage ; ne doutez pas que le Dieu de l’univers n’ait ordonné à un prophète juif de manger de la merde (Ézéchiel), et à un autre prophète d’acheter deux catins, et de leur faire des fils de p..... (Osée) (ce sont les propres mots qu’on fait prononcer au Dieu de vérité et de pureté) ; croyez cent choses ou visiblement abominables ou mathématiquement impossibles, sinon le Dieu de miséricorde vous brûlera, non-seulement pendant des millions de milliards de siècles au feu d’enfer, mais pendant toute l’éternité, soit que vous ayez un corps, soit que vous n’en ayez pas.

Ces inconcevables bêtises révoltent des esprits faibles et téméraires, aussi bien que des esprits fermes et sages. Ils disent : Nos maîtres nous peignent Dieu comme le plus insensé et comme le plus barbare de tous les êtres : donc il n’y a pas de Dieu ; mais ils devraient dire : Donc nos maîtres attribuent à Dieu leurs absurdités et leurs fureurs ; donc Dieu est le contraire de ce qu’ils annoncent ; donc Dieu est aussi sage et aussi bon qu’ils le disent fou et méchant. C’est ainsi que s’expliquent les sages. Mais si un fanatique les entend, il les dénonce à un magistrat sergent de prêtres, et ce sergent les fait brûler à petit feu, croyant venger et imiter la majesté divine, qu’il outrage.


  1. Voltaire lui-même ; voyez l’article Théisme, morceau imprimé dès 1742.
  2. Fin de l’article dans le Dictionnaire philosophique de 1764 et 1765. Ce qui suit fut ajouté en 1767 et en 1769, dans la Raison par alphabet, cette addition de 1767 formait une seconde section. (B.)
  3. Voyez l’article Fraude. (Note de Voltaire.)