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ADULTÈRE.

où jusqu’à présent ou leur a donné une éducation ridicule. Leurs mères, pour les consoler, leur font espérer qu’elles seront libres quand elles seront mariées. À peine ont-elles vécu un an avec leur époux qu’on s’empresse de savoir tout le secret de leurs appas. Une jeune femme ne vit, ne soupe, ne se promène, ne va au spectacle, qu’avec des femmes qui ont chacune leur affaire réglée ; si elle n’a point son amant comme les autres, elle est ce qu’on appelle dépareillée : elle en est honteuse ; elle n’ose se montrer.

Les Orientaux s’y prennent au rebours de nous. On leur amène des filles qu’on leur garantit pucelles sur la foi d’un Circassien, On les épouse, et on les enferme par précaution, comme nous enfermons nos filles. Point de plaisanteries dans ces pays-là sur les dames et sur les maris ; point de chansons ; rien qui ressemble à nos froids quolibets de cornes et de cocuage. Nous plaignons les grandes dames de Turquie, de Perse, des Indes ; mais elles sont cent fois plus heureuses dans leurs sérails que nos filles dans leurs couvents.

Il arrive quelquefois chez nous qu’un mari mécontent, ne voulant point faire un procès criminel à sa femme pour cause d’adultère (ce qui ferait crier à la barbarie), se contente de se faire séparer de corps et de biens.

C’est ici le lieu d’insérer le précis d’un Mémoire composé par un honnête homme qui se trouve dans cette situation ; voici ses plaintes : sont-elles justes ?


MÉMOIRE D’UN MAGISTRAT,
écrit vers l’an 1764[1].


Un principal magistrat d’une ville de France a le malheur d’avoir une femme qui a été débauchée par un prêtre avant son mariage, et qui depuis s’est couverte d’opprobre par des scandales publics : il a eu la modération de se séparer d’elle sans éclat. Cet homme, âgé de quarante ans, vigoureux, et d’une figure agréable, a besoin d’une femme ; il est trop scrupuleux pour chercher à

  1. Ce morceau, imprimé en 1767, à la suite d’une édition du Fragment des instructions pour le prince royal de ***, faisait aussi, par double emploi, dans l’édition de Kehl in-8o, la section II de l’article Divorce. C’était en effet sous ce titre du Divorce qu’il était imprimé à la suite du Fragment des instructions, etc., et qu’il fut réimprimé en 1770 dans le tome IX des Nouveaux Mélanges. En même temps Voltaire le faisait aussi imprimer dans les Questions sur l’Encyclopédie. (B.)