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DIOCLÉTIEN.


Dioclétien contint en maître, pendant vingt années, ces fières légions qui défaisaient leurs empereurs avec autant de facilité qu’elles les faisaient : c’est encore une preuve, malgré Lactance, qu’il fut aussi grand prince que brave soldat. L’empire reprit bientôt sous lui sa première splendeur. Les Gaulois, les Africains, les Égyptiens, les Anglais, soulevés en divers temps, furent tous remis sous l’obéissance de l’empire ; les Perses mêmes furent vaincus. Tant de succès au dehors, une administration encore plus heureuse au dedans ; des lois aussi humaines que sages, qu’on voit encore dans le Code Justinien ; Rome, Milan, Autun, Nicomédie, Carthage, embellies par sa munificence : tout lui concilia le respect et l’amour de l’Orient et de l’Occident au point que deux cent quarante ans après sa mort on comptait encore et on datait de la première année de son règne, comme on comptait auparavant depuis la fondation de Rome. C’est ce qu’on appelle l’ère de Dioclétien ; on l’a appelée aussi l’ère des martyrs, mais c’est se tromper évidemment de dix-huit années, car il est certain qu’il ne persécuta aucun chrétien pendant dix-huit ans. Il en était si éloigné que la première chose qu’il fit, étant empereur, ce fut de donner une compagnie de gardes prétoriennes à un chrétien nommé Sébastien, qui est au catalogue des saints.

Il ne craignit point de se donner un collègue à l’empire dans la personne d’un soldat de fortune comme lui : c’était Maximien Hercule, son ami. La conformité de leurs fortunes avait fait leur amitié. Maximien Hercule était aussi né de parents obscurs et pauvres, et s’était élevé, comme Dioclétien, de grade en grade par son courage. On n’a pas manqué de reprocher à ce Maximien d’avoir pris le surnom d’Hercule, et à Dioclétien d’avoir accepté celui de Jovien. On ne daigne pas s’apercevoir que nous avons tous les jours des gens d’église qui s’appellent Hercule, et des bourgeois qui s’appellent César et Auguste.

Dioclétien créa encore deux césars : le premier fut un autre Maximien, surnommé Galerius, qui avait commencé par être gardeur de troupeaux. Il semblait que Dioclétien, le plus fier et le plus fastueux des hommes, lui qui le premier introduisit de se faire baiser les pieds, mît sa grandeur à placer sur le trône des césars, des hommes nés dans la condition la plus abjecte : un esclave et deux paysans étaient à la tête de l’empire, et jamais il ne fut plus florissant.

Le second césar qu’il créa était d’une naissance distinguée : c’était Constance Chlore, petit-neveu par sa mère de l’empereur Claude II. L’empire fut gouverné par ces quatre princes. Cette