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VARIANTES DE MARIAMNE. 225

Comment puis-je adoucir sa trop juste colère ?

Par quel charme, à quel prix puis-je enfin l'apaiser ?

M A Z A E L.

Pour la fléchir, seigneur, il la faut mépriser :

Des superbes beautés tel est le caractère.

Sa rigueur se nourrit de l’orgueil de vous plaire ;

Sa main, qui vous enchaîne, et que vous caressez,

Appesantit le joug sous qui vous gémissez.

Osez humilier son imprudente audace.

Forcez cette âme altière à vous demander grâce ;

Par un juste dédain songez à l’accabler.

Et que devant son maître elle apprenne à trembler.

Quoi donc ! ignorez-vous tout ce que l’on publie ?

Cet Hérode, dit-on, si vanté dans l’Asie,

Si grand dans ses exploits, si grand dans ses desseins,

Qui sut dompter l’Arabe et fléchir les Romains,

Aux pieds de son épouse, esclave sur son trône,

Reçoit d’elle en tremblant les ordres qu’il nous donne !

HÉRODE.

Malheureux, à mon cœur cesse de retracer

Ce que de tout mon sang je voudrais effacer :

Ne me parle jamais de ces temps déplorables.

Mes rigueurs n’ont été que trop impitoyables.

Je n’ai que trop bien mis mes soins à l’opprimer ;

Le ciel, pour m’en punir, me condamne à l’aimer.

Ses chagrins, sa prison, la perte de son père,

Les maux que je lui fais, me la rendent plus chère.

Enfin, c’est trop vous craindre et trop vous déchirer,

Mariamne, en un mot, je veux tout réparer.

Va la trouver : dis-lui que mon âme asservie

Met à ses pieds mon sceptre, et ma gloire, et ma vie.

Des maux qu’elle a soufferts elle accuse ma sœur ;

Je sais qu’elle a pour elle une invincible horreur ;

C’en est assez : ma sœur, aujourd’hui renvoyée,

A ses chers intérêts sera sacrifiée.

Je laisse à Mariamne un pouvoir absolu…

MAZAEL.

Quoi ! seigneur, vous voulez…

HÉRODE.

Oui, je l’ai résolu. Va la trouver, te dis-je ; et surtout à sa vue Peins bien le repentir de mon âme éperdue ; Dis-lui que mes remords égalent ma fureur : Va, cours, vole, et reviens…. Juste ciel ! c’est ma sœur.

Page 210, vers 9 :

Mes yeux n’ont jamais vu le jour qu’avec douleur : L’instant où je naquis commença mon malheur ; Mon berceau fut couvert du sang de ma patrie ; J"ai vu du peuple saint la gloire anéantie.

Sur ce trône coupable

(Éditions de 1725-1736.)

Théâtre. I. 15