critiques déterminés, qui sont disposés à ne pas me croire, ce serait peine perdue que de les leur dire.
Je me vanterai seulement avec vous d’avoir fait une pièce assez simple, qualité dont on doit faire cas de toutes façons.
Cette heureuse simplicité
Fut un des plus dignes partages
De la savante antiquité.
Anglais, que cette nouveauté
S’introduise dans vos usages.
Sur votre théâtre infecté
D’horreurs, de gibets, de carnages,
Mettez donc plus de vérité,
Avec de plus nobles images.
Addison l’a déjà tenté ;
C’était le poëte des sages,
Mais il était trop concerté ;
Et dans son Caton si vanté,
Ses deux filles, en vérité,
Sont d’insipides personnages.
Imitez du grand Addison
Seulement ce qu’il a de bon ;
Polissez la rude action
De vos Melpomènes sauvages ;
Travaillez pour les connaisseurs
De tous les temps, de tous les âges ;
Et répandez dans vos ouvrages
La simplicité de vos mœurs.
Que messieurs les poëtes anglais ne s’imaginent pas que je veuille leur donner Zaïre pour modèle : je leur prêche la simplicité naturelle et la douceur des vers ; mais je ne me fais point du tout le saint de mon sermon. Si Zaïre a eu quelque succès, je le dois beaucoup moins à la bonté de mon ouvrage qu’à la prudence que j’ai eu de parler d’amour le plus tendrement qu’il m’a été possible. J’ai flatté en cela le goût de mon auditoire : on est assez sûr de réussir quand on parle aux passions des gens plus qu’à leur raison. On veut de l’amour, quelque bon chrétien que l’on soit, et je suis très-persuadé que bien en prit au grand Corneille de ne s’être pas borné, dans Polyeucte, à faire casser les statues de Jupiter par les néophytes ; car telle est la corruption du genre humain, que peut-être
De Polyeucte la belle âme
Aurait faiblement attendri,