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ACTE V, SCÈNE VIII.


orosmane.

N’entends-tu pas des cris ?

corasmin.

Seigneur…

orosmane.

Un bruit affreux a frappé mes esprits.
On vient.

corasmin.

Non, jusqu’ici nul mortel ne s’avance ;
Le sérail est plongé dans un profond silence ;
Tout dort ; tout est tranquille ; et l’ombre de la nuit…

orosmane.

Hélas ! le crime veille, et son horreur me suit.
À ce coupable excès porter sa hardiesse !
Tu ne connaissais pas mon cœur et ma tendresse !
Combien je t’adorais ! quels feux ! Ah ! Corasmin,
Un seul de ses regards aurait fait mon destin ;
Je ne puis être heureux, ni souffrir que par elle.
Prends pitié de ma rage. Oui, cours… Ah, la cruelle !

corasmin.

Est-ce vous qui pleurez ? vous, Orosmane ? ô cieux !

orosmane.

Voilà les premiers pleurs qui coulent de mes yeux.
Tu vois mon sort, tu vois la honte où je me livre ;
Mais ces pleurs sont cruels, et la mort va les suivre :
Plains Zaïre, plains-moi ; l’heure approche ; ces pleurs
Du sang qui va couler sont les avant-coureurs.

corasmin.

Ah ! je tremble pour vous.

orosmane.

Frémis de mes souffrances,
Frémis de mon amour, frémis de mes vengeances.
Approche, viens, j’entends… je ne me trompe pas.

corasmin.

Sous les murs du palais quelqu’un porte ses pas.

orosmane.

Va saisir Nérestan, va, dis-je, qu’on l’enchaîne ;
Que tout chargé de fers à mes yeux on l’entraîne !