où Venise donna cet exemple. Les Portugais, pour avoir passé le cap de Bonne-Espérance, ont quelque temps été de grands seigneurs sur les côtes de l’Inde, et jamais redoutables en Europe. Les Provinces-Unies n’ont été guerrières que malgré elles ; et ce n’est pas comme unies entre elles, mais comme unies avec l’Angleterre, qu’elles ont prêté la main pour tenir la balance de l’Europe au commencement du XVIIIe siècle.
Carthage, Venise et Amsterdam, ont été puissantes ; mais elles ont fait comme ceux qui, parmi nous, ayant amassé de l’argent par le négoce, achètent des terres seigneuriales. Ni Carthage, ni Venise, ni la Hollande, ni aucun peuple, n’a commencé par être guerrier, et même conquérant, pour finir par être marchand. Les Anglais sont les seuls ; ils se sont battus longtemps avant de savoir compter. Ils ne savaient pas, quand ils gagnaient les batailles d’Azincourt, de Crécy, et de Poitiers, qu’ils pouvaient vendre beaucoup de blé et fabriquer de beaux draps qui leur vaudraient bien davantage. Ces seules connaissances ont augmenté, enrichi, fortifié la nation. Londres était pauvre et agreste lorsque Édouard III conquérait la moitié de la France. C’est uniquement parce que les Anglais sont devenus négociants que Londres l’emporte sur Paris par l’étendue de la ville et le nombre des citoyens ; qu’ils peuvent mettre en mer deux cents vaisseaux de guerre, et soudoyer des rois alliés. Les peuples d’Écosse sont nés guerriers et spirituels : d’où vient que leur pays est devenu, sous le nom d’union, une province d’Angleterre ? C’est que l’Écosse n’a que du charbon, et que l’Angleterre a de l’étain fin, de belles laines, d’excellents blés, des manufactures, et des compagnies de commerce.
Quand Louis XIV faisait trembler l’Italie, et que ses armées, déjà maîtresses de la Savoie et du Piémont, étaient prêtes de prendre Turin, il fallut que le prince Eugène marchât du fond de l’Allemagne au secours du duc de Savoie ; il n’avait point