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LETTRE
DE M. THIERIOT
À M. L’ABBÉ NADAL[1]

Tout le monde admire, monsieur l’abbé, la grandeur de votre courage, qui ne peut-être ébranlé par les injustes sifflets dont la cabale du public nous opprime depuis quarante ans[2]. Pour châtier ce public séditieux, vous avez en même temps fait jouer votre Mariamne[3], et fait débiter votre livre des Vestales[4]; pour dernier trait vous faites imprimer votre tragédie.

Je viens de lire la préface de cet inimitable ouvrage ; vous y dites beaucoup de bien de vous, et beaucoup de mal de M. de Voltaire et de moi. Je suis charmé de voir en vous tant d’équité et de modestie, et c’est ce qui m’engage à vous écrire avec confiance et avec sincérité.

Vous accusez M. de Voltaire d’avoir fait tomber votre tragédie par une brigue horrible et scandaleuse. Tout le monde est de votre avis, monsieur ; personne n’ignore que M. de Voltaire a séduit l’esprit de tout Paris pour vous faire bafouer à la première représentation, et pour empêcher le public de revenir à la seconde. C’est par ses menées et par ses intrigues qu’on entend dire si scandaleusement que vous êtes le plus mauvais versificateur du siècle, et le plus ennuyeux écrivain. C’est lui qui a fait berner

  1. Ce morceau, composé par Voltaire sous le nom de Thieriot, son ami, m’a semblé mieux placé dans les Mélanges que dans la Correspondance. (B.)
  2. Il n’y avait que vingt ans, car Saül, la première pièce de Nadal, est de 1705.
  3. Tragédie jouée le 15 février 1725, et imprimée avec une préface dans laquelle étaient plusieurs traits contre Voltaire et Thieriot, à qui Nadal attribuait la chute de sa pièce. Ces traits ont depuis été supprimés par Nadal.
  4. Histoire des Vestales, avec un traité du Iuxe des dames romaines, 1725, in-12.