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ÉPITRE DÉDICATOIRE.

deurs de la géométrie transcendante, et qui seule parmi nous a traduit et commenté le grand Newton.

Ce philosophe recueillit pendant sa vie toute la gloire qu’il méritait ; il n’excita point l’envie, parce qu’il ne put avoir de rival. Le monde savant fut son disciple, le reste l’admira sans oser prétendre à le concevoir. Mais l’honneur que vous lui faites aujourd’hui est sans doute le plus grand qu’il ait jamais reçu. Je ne sais qui des deux je dois admirer davantage, ou Newton, l’inventeur du calcul de l’infini, qui découvrit de nouvelles lois de la nature, et qui anatomisa la lumière, ou vous, madame, qui au milieu des dissipations attachées à votre état possédez si bien tout ce qu’il a inventé. Ceux qui vous voient à la cour ne vous prendraient assurément pas pour un commentateur de philosophe ; et les savants qui sont assez savants pour vous lire se douteront encore moins que vous descendez aux amusements de ce monde avec la même facilité que vous vous élevez aux vérités les plus sublimes. Ce naturel et cette simplicité, toujours si estimables, mais si rares avec des talents et avec la science, feront au moins qu’on vous pardonnera votre mérite. C’est en général tout ce qu’on peut espérer des personnes avec lesquelles on passe sa vie ; mais le petit nombre d’esprits supérieurs qui se sont appliqués aux mêmes études que vous aura pour vous la plus grande vénération, et la postérité vous regardera avec étonnement. Je ne suis pas surpris que des personnes de votre sexe aient régné glorieusement sur de grands empires : une femme avec un bon conseil peut gouverner comme Auguste ; mais pénétrer par un travail infatigable dans des vérités dont l’approche intimide la plupart des hommes, approfondir dans ses heures de loisir ce que les philosophes les plus profonds étudient sans relâche, c’est ce qui n’a été donné qu’à vous, madame, et c’est un exemple qui sera bien peu imité. Etc.

    très-utiles ; en effet, il est à croire que celui qui a découvert tant de vérités admirables dans le monde sensible ne s’est pas beaucoup égaré dans le monde intellectuel. Je veux faire connaître de lui et les opinions que vous admettez, et celles que vous combattez. Sûr de me trouver dans la route du vrai quand je marche après Newton et après vous, incertain quand vous n’êtes pas de son avis, je dirai fidèlement soit ce que je recueillis en Angleterre de la bouche de ses disciples, et particulièrement du philosophe Clarke, soit ce que j’ai puisé dans les écrits même de Newton, et dans la fameuse dispute de Clarke et de Leibnitz. Je soumets le compte que je vais rendre, et surtout mes propres idées, à votre jugement et à celui du petit nombre d’esprits éclairés qui sont, comme vous, juges de ces matières. »