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ACTION DES CORPS SUR LA LUMIÈRE.

et ne la réfléchiraient pas en un autre endroit, car, étant toutes solides, toutes réfléchiraient ; 4° si les parties solides réfléchissaient la lumière, il serait impossible de se voir dans un miroir, comme nous l’avons dit, puisque le miroir, étant sillonné et raboteux, il ne pourrait renvoyer la lumière d’une manière régulière. Il est donc indubitable qu’il y a un pouvoir agissant sur les corps, sans toucher aux corps, et que ce pouvoir agit entre les corps et la lumière. Enfin, loin que la lumière rebondisse sur les corps mêmes et revienne à nous, il faut croire que la plus grande partie des rayons qui va choquer des parties solides, y reste, s’y perd, s’y éteint.

Ce pouvoir, qui agit aux surfaces, agit d’une surface à l’autre : c’est principalement de la dernière surface ultérieure du corps transparent que les rayons rejaillissent ; nous l’avons déjà prouvé. C’est, par exemple, des points B B B (figure 43), plus que de ce point A, que la lumière est réfléchie.

Il faut donc admettre un pouvoir, lequel agit sur les rayons de lumière de dessus l’une de ces surfaces à l’autre, un pouvoir qui transmet et qui réfléchit alternativement les rayons. Ce jeu de la lumière et des corps n’était pas seulement soupçonné avant Newton ; il a compté plusieurs milliers de ces vibrations alternatives, de ces jets transmis et réfléchis. Cette action des corps sur la lumière, et de la lumière sur les corps, laisse encore bien des incertitudes dans la manière de l’expliquer.

Celui qui a découvert ce mystère n’a pu, dans le cours de sa longue vie, faire assez d’expériences pour assigner la cause certaine de ces effets. Mais, quand par ses découvertes il ne nous aurait appris que de nouvelles propriétés de la matière, ne serait-ce pas déjà un assez grand service rendu à la philosophie[1] ? Il ne

  1. Dans les éditions de 1738, après le mot philosophie, on lisait ici :
    « Il a conjecturé que la lumière émane du soleil et des corps lumineux par accès, par vibrations ; que de ces vibrations du corps lumineux la première opère une réflexion, la seconde une transmission, et ainsi de suite à l’infini. Il avait aussi préparé des expériences qui conduisaient à faire voir en quoi ce jeu de la nature tient au grand principe de l’attraction ; mais il n’a pas eu le temps d’achever ses expériences. Il avait conjecturé encore qu’il y a dans la nature une matière très-élastique et très-rare, qui devient d’autant moins rare qu’elle est plus éloignée des corps opaques ; que les traits de lumière excitent des vibrations dans cette matière élastique ; et il faut avouer que cette hypothèse rendrait raison de presque tous les mystères de la lumière, et surtout de l’attraction et de la gravitation des corps ; mais une hypothèse, quand même elle rendrait raison de tout, ne doit point être admise. Il ne suffit pas qu’un système soit possible pour mériter d’être cru, il faut qu’il soit prouvé. Si les tourbillons de Descartes pouvaient se soutenir contre toutes les difficultés dont on les accable, il faudrait