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DÉFENSE DU NEWTONIANISME.

laquelle le corps ne se comprime pas. Donc ce corps avance un peu dans cette direction horizontale en B C, et cet espace B C devient la naissance d’une courbe. Il en est de même de l’action que le corps réfringent exerce sur le rayon de lumière : il commence à se courber en approchant de sa surface.

Ce principe est sensible aux yeux dans l’inflexion de la lumière auprès des corps ; il ne faut pas croire, par exemple, que quand la lumière s’infléchit auprès d’une lame d’acier dans une chambre obscure, elle forme un angle absolu ; elle courbe, et se plie visiblement en cette sorte[1].

Natura est sibi consona : et c’est par la même raison que la lumière, en passant de l’air dans l’eau, décrit une petite courbe A B, en cette manière.

Et cette petite courbe est renfermée dans les limites de l’attraction du verre, limites imperceptibles, et qui sont bien différentes de celles d’une attraction prétendue entre la terre et un rayon lumineux partant du soleil.

On a fait encore une méprise non moins singulière. L’auteur des Éléments avance, après Newton, et fondé sur l’extrême porosité des corps, qu’un rayon de soleil de 33 millions de nos lieues n’a pas probablement un pied de matière solide mise bout à bout.

« Nous ne savons pas si c’est d’un pied linéaire ou d’un pied cubique qu’il parle », disent quelques censeurs ; et, sur cette incertitude, l’auteur de la Réfutation fait son calcul sur un pied cubique ; il évalue le poids d’un rayon du soleil à 1,000 livres pesant, et il

  1. Il va sans dire que cette petite courbe n’a jamais été vue. Il faut l’admettre comme conséquence du système de Newton ; mais si le système est rejeté, comme cela a lieu, il n’y a pas à s’en occuper. (D.)